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Par Marie-Claude Barrette

Ce sont avec des carrés rouges tamisés sur leurs véhicules et des pantalons aux couleurs de l’armée que certains employés municipaux scandent leur mécontentement : « on n’a rien volé! »… mais l’État non plus.

L’autorité conteste : la population méprise

Il y a très exactement six ans, la première décision du Conseil des services essentiels concernant le port des pantalons de camouflage par les policiers du SPVM venait de tomber : le moyen de pression ne menace pas la sécurité des citoyens donc il ne peut pas intervenir. C’était le 25 septembre 2008 : pourtant une sensation de déjà-vu plane dans ma tête. Nous sommes le 24 septembre 2014 : les carrés rouges se sont ajoutés.

Comme plusieurs, je me pose d’abord la question à savoir si la modification de l’uniforme de travail est la façon appropriée de faire pression dans ce contexte particulier. Pour la population montréalaise, rien n’est trop déstabilisant puisque leurs policiers semblent en avoir fait une coutume chaque fois qu’ils sont insatisfaits. Pour l’employeur, c’est réjouissant – mais il ne faut pas le dire trop fort. Au bout du corridor, j’entends murmurer « pendant ce temps-là, on économise sur les coûts d’entretien de leurs habits de travail. » Je souris, malgré moi. La morale, c’est quoi?

De l’autre côté de la rue, quatre policiers distribuent des pamphlets à la circulation. C’est une journée de sensibilisation aux règles de la route. J’ai l’impression d’assister au tournage Les Gags Juste pour rire et j’ai un goût amer dans la bouche. Je repense à cette femme qui, un soir, reçoit deux policiers dans ce déguisement chez elle lui annonçant le décès tragique de son fils sur la route. J’ai l’image dans ma tête de l’agent patrouille qui me demande mes papiers d’immatriculation avec sa casquette rouge et ses pantalons zébrés (à LaSalle, une designer a créé des pantalons uniques pour les agents du poste 13 puisqu’ils ont voulu se démarquer). Je soupire. Par leur comportement, notre figure d’autorité se ridiculise et intensifie ce gouffre qui les sépare des autres travailleurs québécois : « C’est pour mieux me camoufler, mon enfant ».

Ne touche pas à mon fonds de pension

Policiers, pompiers, chauffeurs d’autobus, cols bleus et cols blancs : les employés municipaux bénéficient présentement des régimes de retraite à prestations déterminées. Le principal avantage se situe au niveau du risque financier. Ce dernier est assumé en grande partie par les employeurs. Ainsi, peut importe la fluctuation et le rendement des sommes sur les marchés financiers, le travailleur cotise selon un certain pourcentage de son salaire et peut prévoir très exactement quand il pourra prendre sa retraire et quel sera le montant de sa rente. Qu’en est-il du déficit? Alors que certains régimes de retraite municipaux sont en grande santé, d’autres sont, au contraire, déficitaires. Qui devra ou devrait payer? Le projet de loi 3 propose un partage égal entre les employés et les municipalités des déficits passés, présents et futurs pour les siècles des siècles… amen? C’est ce que semble balancer Philippe Couillard aussi candidement. Plus encore, le projet vient plafonner les cotisations qui pourront s’accumuler jusqu’à concurrence de 18% pour tous et toutes, par année, et de 20% pour les policiers et pompiers. C’est principalement ces derniers qui s’indignent concernant cet aspect. Pourquoi? Parce que les contributions de certains se baladent dans les trente pour cent. Ainsi, pour bénéficier de la rente souhaitée, les membres devront mettre plus d’argent de côté chaque année ce qui affecte, par ricochet, leur salaire. On parle de milliers de dollars en jeu par année.

Et les retraités? Actuellement, ils sont assurés que leur rente variera en fonction de l’augmentation du coût de la vie. Ainsi, ils seront également touchés puisque Monsieur Couillard veut que l’indexation soit suspendue bien que le régime ne sera pas renfloué. Et que dire des cols bleus de Montréal qui ont signé une convention collective valide jusqu’en 2017 : se feront-ils imposer cette loi, malgré l’entente? Si tel est le cas, le Québec doit commencer à prévoir une grève générale illimitée de ce côté. Joli portrait…

Et en bout de ligne?

Ceux et celles qui n’entrent pas dans la catégorie des employés municipaux, soit environ 61% des travailleurs québécois, sont choqués puisque la grande majorité d’entre eux sont confrontés à voir leur retraite comme un rêve. Les carrés rouges qui ornent établissements et véhicules les plongent dans le souvenir du printemps érable et la discorde s’établit à nouveau dans la population. Avec raison? Plutôt par manque d’explications.

Si s’insurger peut sembler une idée, ce peut surtout devenir synonyme de destruction. La révolte ne semble mener personne à son point B – soyons francs. Et c’est la réelle source de confusion et de frustration. Les étudiants qui réagissent d’abord un peu trop fièrement en se disant que la population comprendra enfin ce qu’ils ont vécu réalisent bien vite que ce sont leurs futurs emplois qui sont touchés. N’aurait-il pas meilleur moyen de montrer l’exemple aux futurs salariés québécois (nous, en l’occurrence)? Et si, pour une fois, le problème se réglait à deux…

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