Mer. Avr 17th, 2024

Par Émilie Lalonde

Dans une édition de 1978 du Collectif, le titre d’un article fait sourire, mais rend vite mélancolique : « La gratuité d’ici deux ans? » Il fait référence à cette lutte qui perdure à travers les générations, celle pour la gratuité scolaire ou du moins, pour une plus grande accessibilité de l’ensemble du réseau. Tout au long de ses quarante ans d’histoire, le journal étudiant a été témoin d’une foule de gens prêts à taper sur leurs chaudrons.    

On lui a raconté

Avant même la création du journal étudiant que l’on connaît aujourd’hui, l’accessibilité au système scolaire constituait un enjeu amplement discuté. En 1961, les libéraux promettent un passage de la maternelle aux études supérieures sans frais. Ils affirment même leur désir de distribuer des manuels gratuitement et d’octroyer des allocations de soutien aux étudiants et étudiantes. Un bel engagement… malheureusement jamais réalisé!

Puis, en 1964, le rapport Parent apporte de nombreux changements pour le milieu de l’éducation. Il y a la création du ministère de l’Éducation, la scolarisation obligatoire jusqu’à seize ans, l’établissement des cégeps, un accès à l’école facilité pour toutes les appartenances sociales et une formation standardisée pour le corps professoral. Il s’agit bien d’un pas vers l’avant. Oui, une toute petite avancée pour que l’éducation ne soit pas seulement un privilège.

Malgré cela, la première grève étudiante éclate au Québec en 1968 – la première d’une grande série, faut-il préciser. La création d’une université publique francophone à Montréal est l’objectif principal. En effet, plusieurs personnes se sont vu refuser l’accès aux études supérieures dû au nombre élevé d’inscriptions. C’est ainsi que l’UQAM, celle que l’on surnomme « université du peuple », est fondée le 18 décembre 1968. C’est une victoire qui s’ajoute au compteur, mais plusieurs autres manifestations sont à prévoir dans la province.

Il en a été témoin

De 1978 à 1996, beaucoup de protestations ont eu lieu dans les rues du Québec et dans les pages du Collectif. Au départ, ce sont surtout les cégeps qui se soulèvent et qui amorcent les actions. Leur frustration est due à l’abandon de la promesse électorale des péquistes sur la question de la gratuité scolaire. La malédiction de la parole non tenue continue de s’abattre chez nous!

Les étudiants et étudiantes n’ont désormais plus peur de démontrer leur hargne. Une grande manifestation qui prend des allures d’occupation a lieu en 1978 devant les bureaux du ministère de l’Éducation. Puis, peu de temps plus tard, l’UQAM suit le pas en votant pour une grève. C’est tout à fait novateur pour une université! Du côté de l’UdeS, plusieurs personnes choisissent de faire un boycottage des frais de scolarité. Les moyens de pression se veulent plus doux, mais envoient tout de même un message fort.

En 1986, le mécontentement se poursuit. Par tous les moyens possibles, de jeunes gens fougueux tentent de geler la hausse jusqu’à la fin du mandat de Robert Bourassa. Quelque 24 associations collégiales votent pour un mouvement de grève accompagnées d’une seule université. Laquelle? Celle du peuple, évidemment! Quelques départements de l’UdeS votent également oui, mais ils ne sont pas assez suffisants pour se joindre au soulèvement. Le gouvernement s’engage finalement à maintenir le gel jusqu’en 1989.

Les dix années suivantes sont ponctuées de prises de parole pour un meilleur régime de prêts et bourses ainsi que de rassemblements pour contrer une nouvelle fois une hausse annoncée. Puis 1996 arrive en trombe. Le mouvement s’intensifie dans les cégeps, alors que 60 000 personnes manifestent. Craintive, Pauline Marois annonce le maintien du gel, mais choisit d’instaurer une pénalité pour tous ceux qui échouent à un cours ou plus.

2005

Le gouvernement en place désire transformer 103 millions de dollars de bourses en prêts et ça ne passe absolument pas. Une grève générale illimitée est votée à la Faculté des lettres et sciences humaines et à celle de théologie, d’éthique et de philosophie de l’Université de Sherbrooke. La faculté de génie choisit quant à elle d’être solidaire pour une journée. Évidemment, bien d’autres universités et cégeps se joignent au combat. Le 16 mars 2005, plus de 100 000 personnes marchent dans les rues de Montréal. Le mouvement de grève est important. En avril, certaines personnes occupent même la FLSH jour et nuit dans un bed-in symbolique! Elles vivent en communauté et se préparent à manger ensemble.

Finalement, les organisations étudiantes acceptent après plusieurs semaines la proposition de Jean-Marc Fournier, ministre de l’Éducation. Celle-ci stipule que 70 millions de dollars de prêts seront convertis en bourses au cours de 2005 et 2006, et puis que les 103 millions de bourses supprimés seront à nouveau offerts lors des quatre années suivantes.

2012

Ce n’est toujours pas fini. Partout au Québec, les étudiants et étudiantes refusent l’augmentation des droits de scolarité des universités de 325 dollars. Le mouvement en est un record. On le surnomme d’ailleurs « printemps érable ». Les établissements votent en grand nombre pour une grève générale illimitée. Le 22 mars, les rues de Montréal sont pleines. Les gens crient et frappent sur leur chaudron. Malgré tout, Jean Charest ne reviendra pas sur sa décision.

Aujourd’hui

Aujourd’hui, d’autres combats se livrent. La gratuité scolaire semble être un objectif tellement lointain, alors que de nombreuses coupes budgétaires s’ajoutent continuellement en éducation. Les conditions de travail des professeurs s’effritent. L’école ne devrait-elle pas être accessible pour ceux derrière le pupitre et gratifiante, pour ceux devant?


Crédit photo © Jerry Kiesewetter

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