Mar. Avr 9th, 2024

Par Laurence Dudemaine 

Il y a un an, l’autrice derrière Harry Potter, JK Rowling, publiait un tweet qui a profondément marqué la communauté LGBTQ+, tout particulièrement les personnes trans. Réagissant à un article qui utilisait la formulation «les personnes ayant des menstruations», elle écrivait : «Je suis sûre qu’il y a déjà eu un mot pour décrire ces gens. Aidez-moi. Wumben? Wimpund? Woomud?». Se moquant de la formule inclusive utilisée, elle faisait alors référence au mot woman (femme). 

Si cette moquerie est problématique d’emblée, même pour l’exclusion faite aux femmes cisgenres n’ayant pas ou plus de menstruations, elle est autrement plus blessante pour les personnes trans et non-binaires. 

Un Tweet qui fait le tour du monde  

Publié il y a un an, en juin, mois de la Fierté LGBTQ+, ce tweet était d’autant plus dommageable qu’il provenait d’une écrivaine influente et populaire dont l’œuvre a marqué l’imaginaire de millions de personnes à travers le monde. 

Plusieurs propos et comportements de l’autrice jugés transphobes lui ont été reprochés et ont confirmé un manque de sensibilité de sa part. Pour en nommer que quelques-uns, elle a notamment mis une mention «J’aime» à de nombreux tweets transphobes, dont un référant aux femmes trans comme à des «hommes en robes»; elle a supporté Maya Forstater, une activiste anti-trans qui a perdu son emploi pour avoir publié des propos transphobes sur les réseaux sociaux; elle a publié un essai où elle insiste sur l’importance du «sexe biologique» ou elle réitère de nombreux stéréotypes transphobes et martèle que les femmes trans ne sont pas de vraies femmes. 

Pourtant, très peu de personnes à l’extérieur de la communauté LGBTQ+ ont pris le temps de se pencher sur ces polémiques. En effet, l’Amérique était alors submergée par la vague du mouvement Black Lives Matter, en réaction au meurtre de George Floyd. Toutefois, si l’événement peut paraître banal, il montre tout de même à quel point il est important de s’informer et de se sensibiliser sur les réalités vécues par ces personnes trop souvent marginalisées.  

Évolution lente, mais présente 

Nous sommes donc un an plus tard. Au courant de cette année, plusieurs avancements ont eu lieu. Des millions de personnes ont salué avec enthousiasme le coming out de l’acteur Elliot Page, notamment connu pour ses rôles dans X-Men (2006), Juno (2007) et Inception (2010). La Cour supérieure du Québec a invalidé plusieurs articles du Code civil du Québec jugés discriminatoires envers les personnes trans ou non-binaires. La carrière de Khate Lessard, première candidate trans de la populaire émission Occupation Double (2019) a pris son envol et elle est aujourd’hui une figure connue du public québécois. Il est temps que la voix des personnes trans et non-binaires se fasse entendre et qu’elle soit respectée.  

Des réactions variées dans la communauté

M.G., un homme trans, déplore l’escalade rapide de la transphobie de l’influente autrice. Confrontée par une partie de son lectorat, « elle a eu plusieurs opportunités de se rajuster, mais elle a plutôt décidé de s’acharner contre la communauté trans ».  

Il est d’avis que les positions de l’autrice ont profité du courant politique très particulier qui a soufflé sur les États-Unis lors de la présidence de Donald Trump, qui, rappelons-le, a grandement fait régresser les droits des personnes trans lors de son mandat. 

M.G. précise : « Ce qui m’horrifie, c’est l’accueil chaleureux et l’indifférence du public pour ses propos haineux. Cet accueil a amplifié la portée de cette haine pour la faire parvenir aux yeux et aux oreilles des personnes plus vulnérables, ce qui a causé énormément de dommage. » Ses pensées accompagnent tout particulièrement les fans qui furent ainsi trahis : « C’est un peu comme si leur Dieu leur disait qu’ils ne devraient pas exister. » 

Lorsqu’il rencontre des gens qui persistent à supporter l’autrice et sa franchise, cela blesse profondément M. G. : « Cela me ramène à l’esprit les masses de gens haineux et toute la violence qui en découle. ».  

Pour sa part, Ariel Harvey, une jeune femme trans, est dans un tout autre état d’esprit : « Je serai toujours fan de son œuvre. Même les pires personnes peuvent créer des œuvres magistrales ». Évidemment, elle n’appuie pas les propos de J. K. Rowling, mais elle croit que le fait qu’une personne aime ou n’aime pas Harry Potter ne la définit pas. Avec un détachement qui peut sembler surprenant, elle affirme : « Je n’en veux même pas à J. K. Rowling. Tenir rigueur à quelqu’un qui se trouve aussi loin de moi, je trouve cela malsain. » 

Quant à L.N., personne non-binaire, il a grandement été affecté par les propos de J. K. Rowling. Il profitait du confinement imposé par le contexte pandémique pour explorer son genre et se questionner lorsque cette polémique a explosé. Affecté par le statut de l’autrice, sa grande portée et l’indifférence du public, il est allé jusqu’à douter de son jugement, de son identité et de son coming-out. 

Bien que L.N. n’ait jamais été fan de Harry Potter, il comprend l’engouement que certains puissent avoir et encourage les fans à vivre leur passion de façon plus consciente et sensible. « Plusieurs personnes se basent sur cet univers pour créer de l’art. Certains utilisent les couleurs du drapeau trans dans leur projet à thématique Harry Potter ». Acheter ces produits, dit-il, est une bonne façon de continuer à vivre sa passion, car J. K. Rowling ne reçoit aucun droit d’auteur sur ces projets, contrairement au fait d’acheter le dernier jeu vidéo de la franchise, qui la finance et l’encourage. 

Des pistes de solution à envisager 

D’autres alternatives sont également encouragées au sein de différents groupes LGBTQ+. Par exemple, acheter les livres de seconde main et faire un don équivalent au montant de l’achat à un OBNL militant pour les droits des personnes trans. 

Il s’agit d’être conscient de l’impact de nos choix et de se renseigner sur ces enjeux. Je vous encourage à suivre les comptes Facebook et Instagram du Comité Diversité – Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke. 

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