Jeu. Mar 28th, 2024

Par Dorian Paterne Mouketou

La rentrée scolaire est pour beaucoup de gens synonyme de retour à la réalité : les vacances sont terminées, on plonge dans la routine scolaire, c’est-à-dire les devoirs, les examens, les oraux et les lectures. Pour d’autres, c’est la première année à l’université. Ce sont l’excitation et le plaisir de l’aventure qui motivent certains nouveaux étudiants. Quelles émotions vit-on à la rentrée scolaire lorsqu’on revient d’un voyage important? Pour moi, la rentrée après un voyage dans mon pays d’origine dépasse un simple retour à la réalité.

Être étranger chez soi

Né en République du Congo, en Afrique subsaharienne, j’ai déménagé au Québec à l’âge de 16 ans. Cette année, j’ai décidé de faire un tour dans mon pays d’origine. « Tu verras, tu te sentiras comme un étranger dans ton propre pays », m’avaient dit des amis d’origine également africaine. C’est une drôle d’impression, et je me demandais comment c’est possible d’être étranger chez soi. Puis, une fois au pays du fleuve Congo, j’ai tout de suite réalisé que j’allais frapper un mur.

Lorsque je me promène, les gens me regardent d’une façon particulière. Ils devinent que je ne suis pas d’ici. Tout me trahit : le langage, l’accent, mon attitude, mon teint de peau, mon habillement, mes habitudes. Une chose demeure la plus frappante pour marquer ma différence : ma façon de penser. Le mur que je frappe est celui d’un monde traditionnel, pour ne pas dire traditionaliste ou conservateur. Je réalise que je ne partage pas les mêmes valeurs, que je ne m’associe pas aux mentalités dominantes, que je suis un peu trop progressiste au goût des autres. Ah! Et un peu trop féministe, pour être précis.

« Dans mon propre pays d’origine, les gens me regardent d’une drôle de façon, comme si je n’étais plus le même, comme si on avait remplacé leur Dorian par une nouvelle personne. »

Revivre de beaux souvenirs

Retourner en Afrique, c’est retomber dans son enfance, dans ses racines. Je m’émerveille devant absolument toute chose. Les forêts m’impressionnent, la routine des gens me donne un sourire au visage, les endroits que j’ai habités et les écoles que j’ai fréquentées me paraissent comme des souvenirs d’hier. Je délecte chaque moment, j’apprécie chaque endroit que je visite, comme si cette chance d’être là m’avait été offerte pour la dernière fois. Retourner en Afrique, c’est aussi se rapprocher de sa famille qu’on n’a pas vue depuis des lustres. Certains ne sont plus, d’autres sont nouveaux parmi nous. Les nouveaux bébés remplacent les grands-parents perdus.

Revivre la désolation

Depuis le premier jour du voyage, j’avais compris que le retour en Afrique était aussi un retour à la réalité : manque d’organisation généralisée, corruption – des politiciens au « peuple », en passant par les policiers et les militaires – pauvreté, disparités socio-économiques, alcool et divertissement. Même si le pays vit présentement une période de crise (certains salariés ne sont pas payés depuis au moins 2 ans), les bars sont remplis tous les soirs. Le fléau des kermesses a envahi le Congo. On boit pour oublier nos soucis ou simplement parce qu’on en a l’habitude? Fête-t-on pour célébrer la galère générale ou est-on insouciant de la situation fragile du pays? On dit que le premier problème de l’Afrique, ce sont les Africains eux-mêmes. Or, en Afrique, les gens ont reposé toutes leurs souffrances sur les colons. « La France et l’Europe sont à blâmer »; « Ils pillent nos ressources ». D’autres crient : « L’Afrique n’évoluera jamais! » Dans ce concert de pessimisme et d’acharnement sur son propre sort, il est difficile de concevoir les Africains comme des penseurs futuristes.

Entre deux réalités

La rentrée scolaire n’est pas le seul retour à la réalité. Mon initiation à la réalité africaine m’a marqué, au point que j’ai, pendant mon voyage, eu l’impression d’être touriste dans un pays que je ne connaissais pas. Une fois qu’on s’attache à ce pays malgré ses défauts, il est difficile d’en sortir sans mélancolie. Car, en presque quatre semaines, j’ai vécu ce qui fait la beauté de l’Afrique. Les gens sont authentiques et s’entraident quotidiennement. L’amour fraternel, la compassion, la considération sont les valeurs qui animent la société africaine.

Les gens savent se débrouiller et s’en sortir avec un rien. Les enfants conçoivent des voitures avec des morceaux de bois, avant même d’aller sur les bancs d’école! De potentiels ingénieurs sans éducation, sans encadrement, sans soutien financier, sans espoir…

Le 29 août prochain est la date prévue pour la rentrée scolaire à l’Université de Sherbrooke. Ce sera un retour à la vie étudiante, certes excitante à Sherbrooke en raison des 5@8 et des 5@11, mais ce sera également un retour à la routine. Moins d’heures de sommeil, des travaux à n’en pas finir, des heures de travail pour payer les études et de la dépression pour d’autres. Néanmoins les vacances nous permettent de prendre un élan et de bien se lancer.

Cette année, votre journal étudiant Le Collectif vous fera part des activités et des enjeux qui vous touchent réellement, que ce soit sur le campus ou dans la vie en général. Nous vous invitons à partager vos témoignages et vos expériences de voyage pendant les vacances.

Bonne rentrée à toutes et à tous, de la part de toute l’équipe de rédaction du journal Le Collectif.

FORMER ET INFORMER / Le Collectif a pour mission de rapporter objectivement les actualités à la population et d’offrir une tribune à la communauté étudiante de Sherbrooke et ses associations. Toutes les déclarations et/ou opinions exprimées dans les articles ou dans le choix d’un sujet sont uniquement les opinions et la responsabilité de la personne ou de l’entité rédactrice du contenu. Toute entrevue ou annonce est effectuée et livrée dans un but informatif et ne sert en aucun cas à représenter ou à faire la promotion des allégeances politiques ou des valeurs éthiques du journal Le Collectif et de son équipe.

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