Jeu. Avr 18th, 2024

Par Judith Doré Morin

Une semaine avant la tenue de la COP24 en Pologne, le Musée de la nature et des sciences accueillait le « Bar des sciences » sur le climat. Au menu : quatre courtes conférences suivies d’un débat-discussion abordant les aspects physiques et humains de l’adaptation aux changements climatiques.

Comment le climat réagit-il au réchauffement?

Modéliser la croissance des feuilles, l’activité du phytoplancton dans l’océan ou l’impact des aérosols sur l’atmosphère, c’est ce que permettent les technologies employées en sciences du climat. Avec des simulations et des projections en haute résolution, la planète et son atmosphère se transforment en un jeu virtuel permettant l’étude des changements environnementaux et climatiques.

Au Centre pour l’étude et la simulation du climat à l’échelle régionale de l’UQÀM, les recherches menées visent la compréhension des interactions entre différentes composantes climatiques : vent, température, humidité, pollution, etc. Directeur du Centre et premier conférencier, Jean-Pierre Blanchet s’intéresse notamment aux concepts de rétroactions positive et négative dans un contexte de réchauffement global.

Considérant le réchauffement mondial, un changement amenant une hausse de la température se veut une rétroaction positive. Par exemple, la fonte des glaciers au profit de l’augmentation du volume des océans fait que davantage d’énergie est absorbée par ces grandes masses d’eau. Les boucles de rétroaction positive accélèrent le réchauffement en Arctique, où il est deux fois plus important qu’ailleurs sur la planète.

Le phénomène où un changement, semblable ou différent, entraînerait un refroidissement serait considéré comme une rétroaction négative. La croissance des forêts, qui capturent le dioxyde de carbone afin de le transformer en biomasse et en oxygène, s’inscrit dans une boucle de rétroaction négative. Il s’agit en quelque sorte d’un changement naturel qui peut contribuer à réguler le climat.

Jean-Pierre Blanchet conclut en soulignant l’incertitude climatique engendrée par les choix collectifs pris au sein de la société. Au final, l’action humaine sera-t-elle considérée comme une rétroaction positive ou négative?

Comment les écosystèmes s’adaptent aux aléas climatiques?

Dominique Gravel, titulaire de la Chaire de recherche en écologie intégrative, s’est récemment intéressé à la couverture médiatique des enjeux liés aux changements climatiques et à la biodiversité dans les médias nord-américains depuis 1990. Son constat? D’une part, l’intérêt pour les aléas du climat croît incessamment, même davantage lors d’évènements extrêmes. D’autre part, la biodiversité tend à moins capter l’attention des médias malgré tous les biens et services qu’elle procure aux sociétés humaines.

Filtration de l’eau par les milieux humides, capture du gaz carbonique par les phytoplanctons, fertilisation des sols par la dégradation de la matière organique : voilà des exemples de services que rend la nature.

Afin d’illustrer ses propos, le professeur titulaire aborde le cas des forêts tempérées et boréales par l’entremise d’un produit emblématique de la province : le sirop d’érable. En 2100, les conditions climatiques projetées seraient favorables au développement de l’érable à sucre près de la baie d’Ungava où règne actuellement la toundra, la « terre sans arbres ». Il est toutefois peu probable que ce milieu stérile puisse accueillir des érablières au cours du prochain siècle, le sol étant encore majoritairement inexistant.

Pour Dominique Gravel, il y a tout de même lieu de s’intéresser à la vitesse de progression de la forêt tempérée vers le nord de la province. Quelle cible devrait orienter les actions d’aménagement forestier au Québec? Est-il pertinent de poursuivre la planification forestière avec un programme de modélisation sur 150 ans qui ne tient pas compte des changements climatiques?

Qu’est-ce qui est fait à l’échelle internationale?

Annie Chaloux et Alain Royer, professeurs en géophysique de l’environnement au Département de géomatique appliquée, ont eu l’idée d’organiser ce « Bar des sciences » afin d’engager la réflexion sur le réchauffement climatique et ses impacts. L’événement s’inscrit à la suite de la parution du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui, encore une fois, énonce l’urgence d’agir pour le climat. Spécialiste en politiques publiques en matière environnementale et de lutte contre les changements climatiques, la professeure Annie Chaloux retrace l’historique des négociations climatiques internationales.

L’Accord de Paris, approuvé lors de la COP21 en 2015, forme le premier accord international sur le climat. Cet accord a notamment pour cible d’empêcher que la température globale augmente de plus de 2 degré en 2100. Dans son dernier rapport, le GIEC estime toutefois que la cible devrait être de 1,5 degré.

Les procédures sont longues et les sanctions sont négligeables. Tout de même, il s’avère pertinent de poursuivre les négociations climatiques à l’échelle internationale. Les décisions qui en découlent font l’objet d’une importante couverture médiatique qui permet de sensibiliser la population. De plus, elles permettent d’établir des normes communes à tous les pays, car c’est en travaillant ensemble qu’il est possible d’aller plus loin. En considérant l’urgence climatique actuelle, il y a lieu de se demander si ces négociations suffisent pour éviter un réchauffement global catastrophique.

La réduction des émissions de GES, réalité ou fiction?

Responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada, Patrick Bonin était le dernier invité de ce « Bar des sciences ».  Il partage un constat inquiétant: ce que les membres de la communauté scientifique prévoyaient il y a trente ans devient réalité. Il y a notamment la hausse vertigineuse du taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Sa valeur actuelle, estimée à 405 ppm, n’avait jamais été atteinte en des millions d’années.

Avec les engagements découlant de l’Accord de Paris, le réchauffement global prévu devrait être autour de 3 degrés, soit le double des recommandations du GIEC. Il y a bien sûr des États modèles, qui s’efforcent de limiter au maximum leurs émissions de gaz à effet de serre, mais le travail de la plupart des gouvernements est insuffisant. Au Canada, par exemple, il y a un écart équivalent aux émissions de 15 millions de véhicules par année entre la cible de réduction et les actions prévues en matière de réduction des GES.

L’adaptation aux changements climatiques sera de plus en plus ardue avec le réchauffement global. Pourquoi persister à remettre à demain ce qui doit être fait aujourd’hui?


Crédit Photo @ Géomatique, Université de Sherbrooke

FORMER ET INFORMER / Le Collectif a pour mission de rapporter objectivement les actualités à la population et d’offrir une tribune à la communauté étudiante de Sherbrooke et ses associations. Toutes les déclarations et/ou opinions exprimées dans les articles ou dans le choix d’un sujet sont uniquement les opinions et la responsabilité de la personne ou de l’entité rédactrice du contenu. Toute entrevue ou annonce est effectuée et livrée dans un but informatif et ne sert en aucun cas à représenter ou à faire la promotion des allégeances politiques ou des valeurs éthiques du journal Le Collectif et de son équipe.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *