Mer. Mar 27th, 2024

Par Marie Vachon-Fillion

Avec l’arrivée du numérique et du Web 2.0 dans nos vies, il n’a jamais été aussi facile d’avoir accès à toute information, et ce, très rapidement. Les textos et le clavardage ont changé la façon dont toute une génération communique. Est-ce que la qualité du français a baissé depuis cette numérisation globale de la société? Le Collectif a posé des questions à deux professeurs afin d’en avoir le cœur net.

Judith et Mathieu (noms fictifs) ont bien voulu répondre à l’appel du Collectif et donner leur avis sur le sujet du français en classe. Malgré leur jeune carrière, tous deux ont pu observer des changements à travers les années.

L’utilisation de la technologie en classe…

Depuis la fin des années 1990, un réel changement s’est opéré dans les milieux informatique et numérique. Les familles ont commencé à avoir des ordinateurs à la maison et les élèves pouvaient également apprendre des bases en informatique à l’école. Dans le cadre de la politique L’École 2.0 : une classe branchée en 2011, plus de la moitié des classes du Québec se sont dotées d’un tableau numérique interactif (TNI).  Judith, enseignante en 6e année du primaire en anglais intensif, utilise le TNI pour bon nombre de ces activités : « […] mon matériel pédagogique est presque entièrement disponible en format numérique. Sans oublier ce que je prépare moi-même, en ayant presque toujours comme support le TNI, des logiciels pédagogiques, etc. ». Mathieu, professeur de Sciences pour les secondaires 1,2 et 4, utilise également cet outil, en plus d’applications mobiles « pour les révisions et les labos virtuels ».

Mais les élèves, eux, ont-ils accès à du matériel technologique en classe? « Les élèves n’ont pas le droit d’apporter leurs propres gadgets numériques à l’école », répond Judith. Au secondaire, ce sont d’autres règles qui sont en vigueur. Mathieu nous explique que le premier cycle a droit aux gadgets dans les espaces publics seulement, et le deuxième cycle doit s’assurer de garder ses appareils en mode « silencieux ». Ils ont également le droit de les utiliser à des fins pédagogiques, selon les désirs de l’enseignant ou l’enseignante.

…et des problèmes qui surviennent

Dans cette ère d’instantanéité, il est devenu difficile d’imaginer ne pas être en mesure d’obtenir l’information voulue sur-le-champ. Judith a remarqué une grande impatience chez ses jeunes élèves : « [Ils] recherchent constamment une rétroaction immédiate, une solution dans la seconde. Il faut que ça roule vite! C’est comme s’il fallait être aussi stimulant qu’un jeu vidéo! » Il est alors d’autant plus ardu de garder l’attention des enfants. Mathieu, pour sa part, dénote une autre réalité : « Ils tentent par tous les moyens d’utiliser leur appareil en classe. Que ce soit aussi subtil que sur les genoux ou dans le cartable. » Pas évident d’enseigner en 2018!

Qu’en est-il de la qualité du français?

En étant impatient, on devient nécessairement pressé d’expédier les tâches que nous entreprenons. Avec l’arrivée des textos, le français est souvent bâclé. « Il y a une sorte de paresse parfois, en écriture, explique Judith. Les raccourcis utilisés dans leurs communications entre amis (LOL, ;), fds, pis, c, et j’en passe), se retrouvent dans leurs productions écrites. » Mathieu a également remarqué que les élèves écrivent beaucoup au son : « J’ai lu des “Hélène Meilleur” au lieu d’erlenmeyer, “hémends” plutôt qu’aimant. » Les deux professeurs étaient unanimes sur un point : les homonymes est le grand point faible des élèves en écriture.

De plus, Judith mentionne que les enfants ont beaucoup de difficulté à utiliser les ouvrages papier afin de corriger leurs travaux. Il va de soi qu’il est beaucoup plus simple, pour eux, de consulter Internet. « Comment convaincre une génération d’utiliser dictionnaires et autres ouvrages de références alors que dans la “vraie vie”, ils n’ont qu’à taper la question sur la toile pour trouver des réponses? » Ils éprouvent également des problèmes lorsqu’ils ont à réfléchir sur leurs erreurs : « […] la métacognition (de la réflexion, de la remise en question, de la révision) est loin d’être innée auprès de mes jeunes. Ils semblent dépendre d’une rétroaction externe (un petit soulignement rouge) plutôt que de leurs habilités. »

Des bons côtés pour les élèves en difficulté

Les nouvelles technologies n’ont évidemment pas que des impacts négatifs dans les classes du Québec. En effet, les élèves qui ont des troubles d’apprentissage semblent bénéficier du numérique. Judith explique la situation où elle enseigne : « […] ceux qui ont des difficultés persistantes malgré les interventions et/ou des troubles spécifiques (dyslexie, dysorthographie, dysphasie, etc.), nous implantons le support des aides technologiques (traitement de texte, prédicteur de mots, correcteur, synthèse vocale, dictionnaire électronique, etc.). Ces aides technologiques sont “prescrites” en fonction des besoins des élèves. » Mathieu a aussi remarqué un changement : « Les élèves ayant des troubles d’apprentissage et qui ont droit à des trousses TIC (Technologies de l’information et de la communication) pour les aider sont ceux pour qui le numérique est utile. »

Faut-il s’alarmer pour l’avenir?

Il est normal de s’inquiéter sur l’avenir du français, car il semble avoir une baisse considérable dans sa qualité. Cependant, est-ce que le numérique seul est à blâmer? Est-ce que les méthodes d’enseignement seraient à revoir? Il est encore trop tôt pour se prononcer sur les effets du numérique à long terme, mais les deux professeurs avaient tout de même une opinion sur le sujet. « Je pense que le numérique progresse plus vite (terriblement plus vite) que le monde de l’éducation. Alors, avant que nous y soyons bien adaptés, il y a des risques qu’il y ait eu des dommages », dénote Judith. Mathieu est plus pessimiste dans sa vision des choses : « Si les jeunes ne sont pas guidés dans l’utilisation et que l’argument “tant qu’on se comprend” existe, le laxisme gagnera. »

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