Mer. Avr 17th, 2024

Par Frédérique Thibault-Lessard

S’il y a bien une chose à laquelle on rêve en hiver, c’est de partir « dans le Sud ». Les Québécois sont reconnus pour leur amour de ces brèves escapades dans les Caraïbes, mais que se passe-t-il quand ces courts passages laissent une trace bien plus importante qu’on le pense?

Hausse de popularité

Autour du globe, le tourisme de masse est en expansion fulgurante. Les voyages, de moins en moins dispendieux, rendent cette activité récréative toujours plus accessible au grand public. Ainsi, les escapades « dans le Sud » croissent également en popularité. Avec une tante qui effectue sa énième croisière annuelle et tous ces groupes qui partent explorer la Jamaïque, la région des Caraïbes semble de plus en plus prisée.

Si cette hausse graduelle du tourisme de masse avait propulsé l’économie locale de plusieurs de milieux, elle serait également associée à une dégradation rapide de l’intégrité environnementale et sociale des zones fortement fréquentées. Le Mexique en est d’ailleurs un très bon exemple : avec une hausse annuelle du tourisme de plus en plus forte, concentrée sur la côte est du pays, cette destination subit une transformation accélérée. À ce sujet, le petit village côtier de Mahahual propose une étude de cas intéressante.

« Petit » village

Mahahual, comme la majorité des villes côtières de la région, était autrefois une petite communauté de pêcheurs de quelques centaines d’habitants. Les pêcheries, au centre du mode de vie des habitants, constituaient la base de l’économie locale. Depuis quelques années, toutefois, l’accessibilité accrue et la montée en popularité du Mexique comme destination voyage ont radicalement transformé le village. Avec plus de 1500 habitants permanents et entre 2000 et 12 000 visiteurs quotidiens, l’économie de Mahahual dépend maintenant presque exclusivement du tourisme. Mais cette transformation en apparence très profitable financièrement entraîne, pour la population locale, son lot de problèmes environnementaux et socio-économiques.

Impacts environnementaux

Mahahual est reconnu pour la splendeur de ses paysages. La première chose que les visiteurs remarquent, à leur arrivée en ville, est la beauté des plages et des bâtiments blancs, harmonieusement alignés devant celles-ci. Or, ces structures anthropiques modernes et attrayantes ne se sont pas érigées sans peine. Le développement fulgurant de ces infrastructures côtières a créé toute une gamme d’enjeux environnementaux pour la région. À ce sujet, Marco Esquivel, cinématographe d’expérience et membre expérimenté de la scène touristique de Mahahual, explique : « De mon expérience à Mahahual, j’ai remarqué que les institutions touristiques créent un stress énorme sur l’utilisation des terres, en plus de mener à l’érosion des sols, à une augmentation de la pollution, à la perte des habitats naturels et à une pression croissante sur les espèces en danger. »   

Cette pression environnementale se traduit sous la forme d’une autre problématique flagrante : les rues des quartiers avoisinants sont remplies de déchets. Cette problématique, trouvant source dans la surconsommation des visiteurs et le manque d’infrastructure de gestion des matières résiduelles, crée un enjeu de contamination majeur. Les diverses substances rejetées dans l’environnement par les locaux et les touristes se retrouvent fréquemment directement dans les écosystèmes, les mangroves et, éventuellement, dans la mer.

Or, plusieurs de ces contaminants, notamment les micro fragments provenant des déchets plastiques, s’accumulent dans les organismes marins comme les poissons et les mollusques, qui, en remontant la chaîne alimentaire, se retrouvent dans l’assiette des consommateurs de produits de la mer.

Impacts sociaux économiques

Ainsi, la contamination des eaux souterraines et de la mer crée un enjeu sanitaire pouvant mener de graves préjudices aux écosystèmes et aux habitants qui dépendent de cette ressource. Cette contamination est d’autant plus accrue vu que les touristes, souvent inconscients de leur impact sur l’environnement, consomment énormément d’eau. Des résidus de savon, de shampoing et d’autres substances toxiques pour le milieu se retrouvent entraînés dans les systèmes d’égout qui, pour près de 50 % de la ville, ne sont rattachés à aucun système de traitement.

D’ailleurs, cette consommation croissante s’applique également à l’électricité. L’utilisation massive de ces deux ressources a entraîné une hausse des prix qui affectent grandement les résidents locaux, dont la majorité vit en situation financière précaire.

Les diverses menaces environnementales ont également pour effet d’introduire un nouveau risque économique pour l’ensemble de la région. Les déchets omniprésents, la dégradation des écosystèmes, la mort massive des coraux et organismes marins ainsi que la diminution flagrante de la biodiversité ont un impact significatif sur l’intégrité du paysage local.

Or, le patrimoine naturel de Mahahual constitue la base même du tourisme régional, alimenté en grande partie par les tours de plongée, les excursions nautiques et terrestres, de même que les divers habitats naturels entourant la ville. La destruction du milieu ambiant pourrait donc mener à une baisse substantielle du nombre de visiteurs. En constatant l’ampleur des enjeux environnementaux qui frappent Mahahual, Marco explique que « notre communauté remarque de plus en plus ces effets [environnementaux]. Nous détruisons les ressources environnementales desquelles le tourisme dépend. »

Comment faire sa part?

Il existe heureusement plusieurs façons pour les voyageurs de faire leur part pour aider à préserver l’intégrité environnementale locale. D’abord, les voyageurs et voyageuses averti(e)s peuvent s’assurer d’apporter les objets nécessaires pour diminuer leur consommation sur les lieux. La trousse écolo inclut, notamment, des contenants réutilisables comme un sac pour les courses, une bouteille d’eau pour éviter la consommation inutile de plastique, un plat pour éviter les emballages et une paille lavable à garder sur soi en tout temps. Ces petits gestes, répétés à grande échelle, contribuent grandement à améliorer la problématique des déchets plastiques.

« [N]otre communauté remarque de plus en plus ces effets [environnementaux]. Nous détruisons les ressources environnementales desquelles le tourisme dépend. »

De plus, avant le départ, il est intéressant de vérifier s’il existe des initiatives environnementales locales à la recherche de bénévoles. En plus de s’impliquer directement auprès des résidents, ces initiatives permettent de découvrir sous un nouveau jour les réalités vécues par les communautés étrangères. Aussi, s’impliquer auprès des associations locales, dirigées par des locaux, permet d’aider à répondre à des besoins précis de la collectivité.

Enfin, il est possible de diminuer son empreinte écologique à l’étranger en s’assurant de fréquenter des établissements engagés dans une démarche d’écoresponsabilité. En effet, les hôtels, les auberges et les restaurants constituent une des sources de pollution majeure pouvant ajouter un lourd poids environnemental à son prochain voyage.


Crédit Photo @ Frédérique Thibault-Lessard

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