Ven. Mar 29th, 2024

par Charles Harvey et Sophie Bégin

Dans la soirée du 5 novembre dernier, les citoyens et citoyennes qui suivaient de près le dépouillement du scrutin ont pu assister à un moment historique : l’élection d’une femme comme mairesse de Montréal, une première en 375 ans d’histoire. Valérie Plante (Projet Montréal) l’a emporté avec une avance de plus de 27 000 voix sur le maire sortant, Denis Coderre (Équipe Coderre). D’autres municipalités ont aussi opté pour une gouvernance féminine, comme c’est le cas à Saguenay, à Brossard et à Rouyn-Noranda. Toutes ces villes sont maintenant dirigées par des femmes qui œuvreront dans un milieu majoritairement masculin.

Le casse-tête travail-famille

Au Québec comme ailleurs, évoluer dans la sphère politique lorsqu’on est une femme n’est pas une mince tâche. Plusieurs facteurs contribuent à la faible représentativité des femmes en politique, comme la difficulté de concilier travail-famille.

À l’extérieur de la station Square-Victoria—OACI, où elle prenait son premier bain de foule au lendemain de sa victoire, la cheffe de Projet Montréal a expliqué qu’être mairesse, ça ne chamboulait pas sa vie, puisqu’elle demeure avant tout une mère : « Honnêtement, je me suis réveillée et je suis allée faire les toasts des enfants et le déjeuner comme d’habitude parce que, pour eux, la vie continue. Je suis une mairesse, mais je suis aussi une mère. »

Dans la circonscription de Louis-Hébert, où se sont tenues des élections partielles plus tôt cet automne, c’est la grossesse de la candidate de la Coalition Avenir Québec (CAQ) qui avait fait jaser en septembre. Geneviève Guilbault, la future maman, déplorait que ses adversaires utilisent sa condition pour décourager l’électorat de voter pour elle, ce que les candidats ont nié par la suite. « C’est bien beau qu’elle se présente, mais elle accouche dans deux mois. Ça va lui prendre son congé de maternité; quand est-ce qu’elle va être là? », se demandait une électrice. Madame Guilbault a finalement défait le candidat du PLQ.

La vie professionnelle des femmes politiques peut être parsemée d’embuches que leurs confrères n’auront habituellement pas à affronter. Que ce soit en rapport à leurs choix familiaux, à l’accessibilité à un salaire équitable ou à des fonctions plus élevées, les femmes semblent désavantagées par rapport à leurs collègues du sexe opposé.

Des stéréotypes persistants

Le président Trump a été critiqué de nombreuses fois pour avoir employé le terme « hystérique » pour attaquer son adversaire, Hillary Clinton, lors des élections présidentielles américaines de 2016. Une attaque qui tire ses fondements dans la différence de sexe entre les deux figures politiques.

« Françoise David, Marie Plourde et Louise Harel soulignent que les femmes qui expriment de la colère ou de l’indignation sur la scène publique sont considérées comme hystériques ou trop émotives. À l’inverse, les hommes qui montrent une certaine forme d’agressivité sont plus perçus comme ayant du caractère, de l’autorité, de la détermination », signalait le Conseil du statut de la femme, dans son rapport Les femmes en politique : en route vers la parité (2015). « Force est de constater que les normes, les pratiques et les codes de conduite du monde politique ont peu changé. » Les stéréotypes de genre perdurent en politique et ne favorisent pas une cohabitation harmonieuse entre les hommes et les femmes.

La socialisation genrée des femmes est également mise en cause pour expliquer la faible proportion de femmes dans l’arène politique. Le Conseil stipule que « certains attributs nécessaires à la réussite dans le champ politique, tel qu’il est actuellement organisé, sont généralement transmis davantage aux garçons qu’aux filles dès leur prime enfance ». Le Conseil affirme donc que les modèles d’éducation employés par les parents seraient déterminants pour la réussite des femmes en politique.

Une avancée historique

Les élections municipales de 2017 ont donné naissance à une vision différente des femmes en politique. Est-ce que la même situation saura se reproduire au sein des différents paliers gouvernementaux du pays? La parité au sein du conseil des ministres fédéraux a démontré une volonté de changement également, mais le nombre de femmes se présentant reste inférieur au nombre d’hommes candidats. Les élections provinciales de 2018 sauront nous démontrer si ce vent de changement perdurera.

Du verre incassable

« C’est douloureux, et ce sera douloureux encore longtemps. […] Nous n’avons pas fracassé le plafond de verre, mais avec un peu de chance, quelqu’un va pouvoir le faire avant longtemps. Pour les jeunes filles qui regardent, n’oubliez jamais que vous pouvez réaliser vos propres rêves. »

Ce sont les mots qu’a prononcés Hillary Clinton après sa défaite à l’élection présidentielle américaine de 2016. Une défaite qui a entrainé une recrudescence de questions sur le rôle des femmes dans la démocratie.

La défaite de la candidate du Parti démocrate, qui a vécu une campagne très mouvementée, a tout de suite exalté les fervents défenseurs et ferventes défenseuses de l’égalité homme-femme. Plusieurs ont tenté d’expliquer la défaite de madame Clinton par le refus de certains membres de l’électorat à placer une femme à la tête des États-Unis.

La politicienne, originaire de Chicago, a montré à quel point le traitement qu’elle a reçu de ses opposants républicains était, selon elle, injuste et sexiste. « Ce n’est pas facile d’être une femme en politique, mais je crois qu’on peut dire que le niveau de méchanceté que j’ai subi était […] inédit. Les foules aux meetings de Trump ont demandé mon emprisonnement un nombre incalculable de fois. Ils hurlaient “coupable! coupable!” », peut-on lire dans son plus récent ouvrage Ça s’est passé comme ça (Fayard), où l’ancienne secrétaire d’État en profite pour faire un retour sur sa dure campagne électorale contre son adversaire, Donald Trump. Selon Hillary Clinton, le fait qu’elle soit une femme a décuplé la haine de ses détracteurs, qui se permettaient des critiques plus virulentes, et l’utilisation d’un langage vulgaire à son égard.

Cependant, il faut également scruter l’envers de la médaille. D’autres enjeux ont aussi influencé cette élection. L’affaire des courriels de la candidate a fortement entaché sa réputation. Un vent de fraicheur s’est levé, par contre, après l’élection, avec un mouvement pour le droit des femmes et les nombreux ouï-dire qui circulaient autour d’une potentielle candidate démocrate. Selon ces dires, Michelle Obama, l’ancienne première dame des États-Unis, aurait la faveur d’un très grand nombre d’électeurs et d’électrices. Le sexe est-il vraiment plus déterminant que la personne à élire?

Portrait : Valérie Plante

Avec un début de campagne qui n’a pas fait l’unanimité auprès des féministes, avec son slogan « L’homme de la situation », Valérie Plante a su accroitre significativement sa notoriété au fil des jours. Celle qui est devenue conseillère municipale en 2013 a fait preuve de beaucoup d’audace. Sa campagne enchainait plusieurs bons coups, avec une présence accrue sur les réseaux sociaux, entre autres.

La toute première mairesse de Montréal aura cependant plusieurs promesses à tenir et un travail de relations gouvernementales à effectuer. Ne jouissant pas des mêmes entrées que monsieur Coderre, elle devra se faire convaincante pour réaliser les projets qui demandent du financement au fédéral et au provincial. Elle devra aussi prouver au milieu des affaires montréalais qu’elle a une stratégie solide pour remplacer celle de Denis Coderre. Même si madame Plante a déjà franchi un pas de géant en remportant son élection, elle doit maintenant s’évertuer à offrir le meilleur de sa ville à la population et au reste du monde.


Crédit Photo ©  La Presse +

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