Jeu. Avr 18th, 2024

Mon nom est Cesar Costa, 42 ans et je suis atteint du trouble bipolaire. J’ai seulement été diagnostiqué à l’âge de 35 ans lors de ma première hospitalisation en raison d’un épisode psychotique. Cette crise a marqué profondément ma vie. C’était un rite de passage qui m’oriente encore aujourd’hui vers une étape plus complexe et troublante de mon existence.

Par Cesar Costa

La base de mon traitement est la prise de ma médication. Je prends assez de pilules pour que mon corps, mes émotions et mes pensées ne soient pas trop engourdis, de manière à ce que je puisse me sentir vivant et ainsi travailler sans cesse pour mon bien-être. Pour prévenir des rechutes, il a aussi fallu que j’adopte un mode de vie plus sain : accroître mes heures de sommeil, pratiquer des activités sportives, faire de la méditation, etc. Toutes ces stratégies contribuent à m’aider à vivre une vie plus équilibrée, dans la mesure du possible.

Je compte également sur le soutien d’un psychiatre et de suivis psychosociaux réguliers. C’est un travail d’équipe multidisciplinaire qui m’aide à me reconstruire pas à pas, un long processus qui peut durer toute une vie, puisque le trouble bipolaire est une condition chronique, non guérissable.

Depuis cette crise qui a entraîné mon hospitalisation, malgré toutes les ressources à ma disposition, ma relation avec moi-même et les autres a changé énormément, devenant très difficile à comprendre et à gérer. Des fois, il me paraît impossible d’envisager un avenir à cause de mes oscillations drastiques d’humeur, de mon anxiété élevée et d’autres symptômes pénibles.

Vivre, pour moi, est devenu souvent une tâche très lourde. Les activités quotidiennes qui semblent anodines et que l’on fait presque automatiquement comme prendre une marche, se déplacer pour prendre l’autobus et aller au cinéma requièrent, pour moi, une quantité d’énergie ahurissante, disproportionnée par rapport à l’action, et entraînent une fatigue physique et mentale constante.

Je n’ai pas la prétention de dire que tous les bipolaires vivent la même chose que moi ou que ma condition me rend essentiellement malheureux. Toutefois, ma sensibilité s’est exacerbée au fil du temps, c’est-à-dire qu’elle est devenue trop réceptive à tout ce qui se déroule autour de moi, s’intéressant à saisir les détails de la vie, dans tout ce qu’elle a de sombre et fascinant.

Le côté sombre de la maladie

Vivre si intensément se révèle une tâche épuisante, considérant ma tendance à porter la souffrance des autres sur mes épaules et à me perdre dans des paradoxes de l’existence.

Lorsque je me penche sur ma condition au plus profond de mon être, il n’y a plus de frontière entre moi et le monde. Je me retrouve souvent à l’intérieur d’un monde enfoui d’angoisses, de douleurs indicibles et d’une multitude de masques défilant sur mon visage. Il me paraît que je suis le refoulement d’un être sauvage en moi, qui ne se laissera jamais apprivoiser complètement; il est à la fois violent et trop sensible pour affronter les aléas de la vie.

Une fois, j’ai demandé à un ami de définir notre trouble commun. Sans hésitation, il a répondu : « On ressent trop, on aime trop. » En quelques mots, il a décrit le meilleur et le pire dans la vie d’un bipolaire. Car tourner notre attention vers l’intérieur nous rend fragiles, mais capables de ressentir la vie autrement et d’aimer dans une intensité presque intolérable.

J’ai toujours eu envie de dire que je ressens la vie jusqu’à saigner de l’intérieur. Jusqu’à ce que mes masques tombent tous à la fois et que je redevienne l’enfant désemparé, en quête d’une seule identité immuable, d’un attachement sécurisant, surtout d’un dieu omnipotent et de tout genre d’illusions qui me réconfortent tout en m’éloignant du centre de ma propre plaie

Le côté lumineux

Toutefois, tout ce que je vis n’est pas toujours désolant. Les troubles de santé mentale sont ambigus, par définition. Je me dis souvent, avec une certaine fierté, que mon trouble est mon plus grand cadeau.

Je dois aussi avouer que l’enfer de l’intensité de mes sentiments me transforme graduellement en l’homme que j’ai toujours voulu devenir : sensible et coriace en même temps, fort et faible, curieux et indifférent, ni l’un ni l’autre.

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