Lun. Mar 25th, 2024

Par Alexis Reymbaut

De récents travaux menés par l’équipe de Xavier Roucou de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke et du Centre de recherche clinique Étienne- Le Bel du CHUS ont montré qu’il existerait en nous environ quatre fois plus de protéines que nous le pensions il y a encore un an !

Ces travaux, publiés en août 2013 dans la revue PLOS ONE, s’illustrent parmi les dix découvertes de l’année 2013 publiées dans l’édition de janvier du magazine Que´bec Science. Pourquoi? Parce que la découverte de ces nouvelles protéines, appelées «protéines alternatives», ouvre une nouvelle voie dans la compréhension de certaines maladies neurodégénératives !

Un paradigme fondamental en biologie…

De nos jours, il est bien connu que l’information nécessaire au bon fonctionnement de notre corps se trouve dans l’Acide DésoxyriboNucléique (ADN), au cœur de nos cellules. Il permet notamment de créer les protéines qui assurent le fonctionnement de ces cellules. Par contre, cette information portée par l’ADN a besoin d’être lue pour donner naissance à des protéines. Comment au juste? Utilisons une analogie simpliste avec une carte bancaire.

Dans le noyau de la cellule, une portion d’ADN est copiée sous forme d’Acide RiboNucléique (ARN) pré-messager, de la même façon que vos informations bancaires sont copiées sur la puce électronique de votre carte bancaire. Cet ARN pré-messager ne peut pas être lu tel quel, il doit être modifié. Il en est de même pour la puce qui doit être montée sur une carte avant d’être analysée par un lecteur de carte bancaire. Cet ARN pré-messager est alors transformé en ARN messager mature avant d’être sorti du noyau de la cellule. C’est là que l’ARN messager mature va être lu par de véritables usines mobiles appelées ribosomes, tout comme la carte déchiffrée par un lecteur de carte. Les ribosomes vont lire une seule partie de cet ARN, la séquence principale commençant d’un certain point de départ (le signal ou codon initiateur principal) et finissant à un certain point d’arrivée (le signal ou codon stop principal), et vont créer une protéine !

Tout cela est assez complexe, mais l’important c’est de retenir que chaque ribosome va créer une unique protéine pour chaque ARN en ne lisant que la séquence principale de cet ARN. Cela représente un dogme fondamental en biologie !

…complètement remis en question!

Les travaux de l’équipe de Xavier Roucou mettent tout simplement à terre ce dogme. « Dans les gènes et les ARN messagers, il existe d’autres signaux initiateurs en amont et en aval des signaux principaux, mais on pensait que le ribosome les ignorait. Nous avons prouvé que ce n’est pas le cas. La lecture d’un ARN messager peut en fait être initiée et terminée à différents endroits. Ainsi, selon nos estimations, chaque messager pourrait coder 3,8 protéines en moyenne. », explique le chercheur.

Ce n’est pas rien, c’est même gigantesque! « En scannant le génome, nous avons décelé plus de 83 000 protéines alternatives potentielles. Nous sommes ensuite partis à la recherche dans plusieurs types de cellules et de tissus, ainsi que dans le sérum humain. À notre grande surprise, nous les avons trouvées ! » dit Xavier Roucou.

Une découverte encore sujette à controverse…

Cette découverte est tellement novatrice et révolutionnaire que l’équipe de recherche a eu du mal à faire publier ses travaux dans les plus prestigieuses revues telles que Science. Xavier Roucou donne quelques précisions : « Certains membres du jury étaient emballés, mais d’autres sont restés perplexes et nous ont demandé de montrer la fonction de ces nouvelles protéines. C’est impossible ! On parle tout de même de 83 000 molécules. »

Le biochimiste ne se décourage pas pour autant : « J’ai décidé de laisser de côté mes projets de recherche en cours et de changer l’orientation de mon laboratoire. On va maintenant se concentrer sur les protéines alternatives. Plus on va en détecter, plus on va convaincre les gens que c’est important. C’est un domaine très excitant. Pour l’instant, nous sommes les seuls à faire ça. »

…mais pleine de promesses!

Ces molécules? Importantes? Le chercheur n’est pas au bout de ses surprises, car une protéine alternative serait vraisemblablement impliquée dans une maladie neurologique rare et incurable : l’ataxie spinocérébelleuse de type 1 qui provoque, entre autres, des troubles de la coordination et de l’équilibre. « On s’est aperçu que la protéine de référence jouant un rôle dans cette maladie, l’ataxine, s’associait à une protéine alternative pour former un complexe anormal. »

On a ici un parfait exemple de progrès scientifique : de l’inspiration, des limites repoussées et de l’espoir pour un avenir meilleur ! What else ? À bon entendeur…

Citations tirées de l’édition de janvier de Québec Science


Crédit photo © a2ua.com

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