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Culture_Benjamin Le Bonniec_Clouds of Sils Maria_10 avril 2015

Toujours obsédé par cette jeunesse intiment liée au cinéma, Olivier Assayas nous transporte dans une réflexion sur l’art du comédien au sein d’une société bouleversée par la bulle médiatique et virtuelle. Hier soir, son dernier film était projeté à La Maison du Cinéma dans le cadre du Festival cinéma du monde de Sherbrooke (FCMS). Retour sur une comédie dramatique introspective et déconcertante.   

Par Benjamin Le Bonniec

Après avoir dressé superbement un portrait générationnel post soixante-huitard dans Après Mai, le réalisateur à l’œuvre intemporelle (Désordre, Paris s’éveille) revient justement en partie sur un aspect concernant toute une génération et plus encore : l’ère numérique. Clouds of Sils Maria, tout en maturité, nous entraîne dans une comédie piquante entre questionnements intimes et humeurs fuyantes. L’histoire n’est déjà pas banale. Une actrice renommée, mais lasse (Juliette Binoche), et son fidèle bras droit éprise d’Internet (Kristen Stewart — César 2015 de la meilleure actrice dans un second rôle) embarquent dans un train en direction de Zurich pour obtenir un prix au nom du mentor initiateur de la carrière de la comédienne. Mais celui-ci décède subitement et les visages changent. Les deux personnages développent alors un lien étrange. Une ambiance magnétique se développe dès les premières scènes.

Progressivement, on se retrouve dans une véritable mise en abîme tant dans l’écho des carrières respectives des actrices que dans le lien personnel existant entre elles. En toile de fond, des paysages alpins magnifiques défilent. L’ambition n’est pas dans l’esthétisme, mais les montagnes suisses sont filmées tel qu’il en dégage une atmosphère fascinante. Pourtant, on se retrouve confronté à une géographie virtuelle illustrée par une focalisation incessante sur des appareils numériques. On passe d’une existence locale authentique à un monde construit autour des nouveaux moyens de communication et de la célébrité. Magistralement, Olivier Assayas nous invite dans une œuvre ultra contemporaine. Il y a du Bergman (Persona — 1966) dans ce huis clos apnéique, mais le spectateur est sans cesse bousculé à l’intérieur de ce repli alpin par le tumulte incessant inhérent à notre époque.

Le temps passe, le tableau évolue, et avec une verve satirique tout en douceur, le film développe une appréciation déroutante du temps qui passe. La petite contrée suisse de Sils Maria nous rappelle mélancoliquement ses visiteurs illustres, de Proust à Nietzsche, dont l’héroïne Maria Enders apparaît comme l’héritière. Tout au long du film, on est envoûtés par le scénario intelligent, par ses actrices attachantes et par la célébration de cette vie brossée par le réalisateur.

Porté par un duo d’actrices étonnamment symbiotique dans une réalisation pleine de virtuosité, Clouds of Sils Maria nous interpelle sur un rapport à l’art devenu anachronique au regard de la réalité virtuelle et médiatique de notre monde. Peut-être le plus beau et le plus achevé des films d’Olivier Assayas.

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