Jeu. Mar 28th, 2024

Dorian Paterne Mouketou

Bien que le blogueur saoudien n’ait pas encore remporté de victoire légale contre son État qui l’a soumis à un destin pénible, Raïf Badawi n’arrête pas d’accumuler des victoires morales face à son oppresseur. L’Université de Sherbrooke l’a honoré, par le biais de sa femme, avec un doctorat honorifique bien mérité, pour sa bravoure et l’exemple qu’il donne pour défendre la liberté d’expression.

Un homme admirable, un destin pénible

La seule malchance qu’ait eue Raïf, c’est d’être né dans son pays. La seule faute qu’il a commise, c’est d’avoir exercé sa liberté et son droit le plus fondamental : la liberté d’expression. Oui, il a osé s’exprimer et dénoncer le régime monarchique de son pays. En 2008, il crée son premier blogue Le réseau des libéraux saoudiens. Son péché, c’est d’avoir créé un blogue, de s’exprimer! Sa punition? 1000 coups de fouet, pendant dix ans. Telle est la décision qui a été prise par la Cour suprême de l’Arabie saoudite pour persuader un individu libre de ne pas exercer sa liberté d’expression.

Éloge par-dessus éloge, Badawi accumule les honneurs… et les victoires!

Soutenu par le monde entier, le nom crié sur toute la planète par Amnistie Internationale, Raïf Badawi a, une fois de plus, été récompensé pour son héroïsme. L’Université lui a décerné un doctorat honorifique le 8 juin dernier sur le Campus principal. En prison depuis cinq ans, âgé aujourd’hui de 33 ans, Raïf ne pouvait assister à cette cérémonie élogieuse à son nom. Son épouse, Ensaf Haidar, a tenu à venir honorer son mari et recevoir les éloges que lui a prononcés l’Université de Sherbrooke.

Le nouveau recteur, M. Pierre Cossette, a tenu à souligner l’importance de décerner ce doctorat honorifique à l’homme qui a su inspirer le monde entier. « L’Université de Sherbrooke veut rendre hommage à un homme de cœur qui paie très chèrement le prix de son engagement pour les droits de la personne, la tolérance religieuse, l’ouverture aux autres et l’esprit critique. Les valeurs qu’il défend sont celles de l’institution universitaire », a-t-il stipulé.

Au-delà du geste d’honneur, des discours touchants et encourageants

D’un ton solennel, M. Cossette a voulu montrer son soutien et son admiration à Raïf Badawi. « Nous espérons que notre action contribuera aux efforts que mènent de nombreuses personnes, institutions et organisations pour sa libération. Nous voulons ainsi appuyer ses démarches et celles de ses proches. Nos pensées vont aussi à tous les prisonniers d’opinion, privés de leur liberté pour avoir écrit, manifesté et milité pour un monde meilleur. C’est notre responsabilité de mettre de l’avant, en solidarité avec l’action de Raïf Badawi, l’importance de préserver et de défendre des principes aussi fondamentaux que la liberté d’expression, la justice et le respect des droits humains », a prononcé le recteur de l’Université de Sherbrooke, d’un ton imprégné d’une mer d’émotions.

Le doyen de la Faculté de droit, M. Sébastien Lebel Grenier, a tenu lui aussi à rappeler l’importance des droits et libertés qui érigent nos démocraties et nos institutions : « Parmi les droits et libertés qui sont aujourd’hui protégés, la liberté d’expression est l’une des plus fondamentales. La liberté d’expression protège non seulement la capacité d’exprimer des pensées qui confortent l’opinion majoritaire, elle permet surtout de remettre en question l’ordre établi de manière pacifique. La libre expression d’opinions dissidentes ou minoritaires est le fondement de la recherche de la vérité. Elle est aussi le moteur de l’innovation et de l’avancement puisqu’elle permet de questionner ce que nous tenons pour acquis », a-t-il lancé devant les dignitaires qui assistaient à la cérémonie atypique. Atypique, comme l’a souligné le professeur Hervé Cassan de la Faculté de droit, parce que la cérémonie ne visait pas à honorer un chercheur ou un illustre savant, comme il est coutume de le faire. La cérémonie visait à démontrer à la fois les éloges, le soutien, l’admiration et les encouragements à cet homme puni pour un péché que de nombreux Canadiens commettent tous les jours : s’exprimer librement. « Nous voulons l’honorer parce que Raïf, étranger à notre langue, à notre pays et à notre culture, nous transmet pourtant le message le plus universel qui soit : les droits de la personne représentent la quintessence des valeurs par lesquelles nous affirmons ensemble que nous appartenons tous à la même communauté humaine », a souligné le professeur Hervé Cassan.

Raïf n’a pas voulu faire abstraction de cet honneur

Le texte écrit par Raïf, lequel son épouse a dressé dans une élocution devant les dignitaires de l’Université de Sherbrooke, a suscité beaucoup d’émotions au sein de la communauté universitaire. Il se lit comme suit :

Je suis très reconnaissant de la réception de ce titre prestigieux et ravi que vous ayez tenu à m’octroyer ce doctorat honorifique. Votre formidable position m’a permis de comprendre que le monde extérieur ne m’a pas oublié ni oublié ma cause. Elle m’a aussi permis de voir que nous nous tenons solidaires dans notre humanité. Solidaires dans notre combat pour la liberté d’expression et d’opinion. Solidaires aussi dans notre conscience que les droits humains sont les droits de chaque être humain, abstraction faite de sa religion ou de sa culture. Merci pour cet honneur. Merci de ne pas avoir oublié.

– Raïf Badawi, allocution prononcée par sa femme lors de la remise du doctorat honorifique décerné par l’Université de Sherbrooke


Crédit Photo © François Lafrance

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