Mer. Avr 24th, 2024

Par Joanie Crack 

Depuis mars 2020, la pandémie de COVID-19 a engendré plusieurs conséquences d’un point de vue social, politique et économique. L’un des plus importants impacts, d’ailleurs très peu mentionné dans les médias, a été le recul des droits des femmes en matière de santé sexuelle et reproductive en raison de l’imposition des mesures sanitaires exceptionnelles. Comment se fait-il que, malgré les nombreuses avancées en faveur de l’égalité des sexes et des droits des femmes depuis les dernières années, l’Organisation des Nations Unies (ONU) lance aujourd’hui un signal d’alarme à la communauté internationale concernant le recul de celles-ci?  

Les mesures de confinement, l’imposition d’une quarantaine obligatoire, et la réorganisation des systèmes de santé pour répondre à la pandémie à travers le monde ont directement affecté la pleine réalisation des avancements en matière des droits et de la santé sexuelle et reproductive des femmes. L’ONU précise qu’il s’agit d’un recul de 20 à 25 ans à l’échelle mondiale.  

Les composantes alarmantes de cerecul 

Afin de faire le point sur les différentes composantes qui expliquent le recul en matière de santé sexuelle et reproductive des femmes, Le Collectif a rencontré le professeur et codirecteur scientifique du Centre interdisciplinaire de développement international en santé (CIDIS), Gabriel Blouin-Genest. Celui-ci a participé à l’élaboration d’un rapport détaillé, qui sera publié dans les prochains jours, et qui mettra en lumière l’état des impacts de la pandémie sur cet enjeu, à l’aide d’informations recueillies depuis la dernière année.   

«Nous tenions à faire l’état des impacts qui ont été documentés jusqu’à maintenant dans le monde pour rassembler des arguments qui justifient l’importance des enjeux collatéraux engendrés par la pandémie. En effet, les impacts des mesures sanitaires pour lutter contre la COVID-19 ont eu des répercussions extrêmement importantes sur des centaines de millions de femmes dans le monde.»  — Pr Gabriel Blouin-Genest, codirecteur scientifique du CIDIS.  

Le CIDIS met de l’avant que l’accès aux contraceptifs a été extrêmement perturbé par la pandémie. Ainsi, plus de 47 millions de femmes provenant de 114 pays à revenus faibles et intermédiaires n’ont pas eu accès aux méthodes de contraception et 3,5 millions de grossesses non désirées ont été engendrées par cette non-disponibilité des services. Également, les services de prévention offerts dans les écoles ont été considérablement réduits et le nombre de grossesses précoces s’est dupliqué, faisant de l’accouchement la première cause de mortalité chez les jeunes filles de 15 à 19 ans.  

Par ailleurs, jugé «non essentiel», l’accès à l’avortement s’est vu considérablement limité dans plusieurs pays et de nombreux États américains ont invoqué le contexte d’urgence sanitaire pour restreindre le droit des femmes à l’avortement. À toutes ces statistiques s’ajoute l’augmentation marquée de 30 à 33 % des violences sexuelles envers les femmes et les enfants en Europe et au Canada.  

Professeur Blouin-Genest indique ces impacts ont été ressentis à plusieurs niveaux et c’est pourquoi il précise qu’il est nécessaire de repenser en profondeur le développement sanitaire international pour faire de cet enjeu une priorité mondiale.  

Pistes de solutions : par où commencer? 

Devant l’ampleur de ces données, le CIDIS propose différentes recommandations et appelle la communauté internationale à agir en urgence.  

«Les progrès en matière de santé et des droits sexuels et reproductifs sont un enjeu qui ne peut pas se permettre de ralentir ou de s’arrêter, même en cas de pandémie» — Pr Gabriel Blouin-Genest, codirecteur scientifique du CIDIS.  

Le Centre affirme qu’il est tout d’abord essentiel d’établir une base garantie de services de santé sexuelle et reproductive qui ne pourront pas être suspendus, même en cas de crise majeure. Il précise ensuite qu’il faut mettre en œuvre une analyse de genre et intersectionnelle pour toutes les politiques de santé à court, moyen et long terme. Cela assurera que les impacts négatifs de futures urgences sanitaires ne l’emportent pas sur les avancements politiques attendus.  

Enfin, le CIDIS précise que les gouvernements doivent entreprendre l’instauration d’une spécialisation au sein des services de police et de sécurité sur les violences basées sur le genre. Cette proposition fera en sorte que les citoyens, en particulier les femmes, puissent obtenir un soutien et une protection dans les plus brefs délais, même en situation de crise mondiale. Évidemment, ces mesures dépendent d’un financement constant par la communauté internationale.  

«Toutes ces mesures nécessitent l’engagement des gouvernements à fournir un financement continu, et c’est pourquoi la communauté internationale se doit de continuer à investir dans des projets internationaux de développement sanitaire». — Pr Gabriel Blouin-Genest, codirecteur scientifique du CIDIS.  

 Le respect des droits des femmes en matière de santé sexuelle et reproductive est un enjeu connu de tous depuis plusieurs décennies. La pandémie a cependant démontré que le travail en cette matière était loin d’être terminé. Il s’agit d’un enjeu mondial qui doit faire partie des priorités de l’agenda des instances politiques à travers le monde. En tant que médiateur et important acteur pour la cause féministe à l’échelle mondiale, le Canada et même le Québec pourraient avoir un rôle clé à jouer dans l’accomplissement des objectifs escomptés. 

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