Mer. Avr 17th, 2024

Par Josiane Demers

Le 28 novembre dernier, l’Américaine Sarah Fuller marquait l’histoire du football en devenant la première femme recrutée par une des cinq meilleures équipes masculines de la National Collegiate Athletic Association (NCAA). Toutefois, lorsque nous abordons la question de la place des femmes dans le sport masculin de haut niveau, les débats s’enflamment parfois.

Cela est tout à fait normal parce que la ségrégation des sexes en sport est ce que nous connaissons, ce que nous avons appris. C’est intrinsèque. Il est primordial de traiter la question en gardant la tête froide pour s’en tenir aux faits. Il est évident que les hommes et les femmes ont des capacités physiques différentes.

Il ne s’agit pas ici d’éliminer le sport masculin et le sport féminin pour faire des ligues hybrides. Le sport féminin, bien que distinct, est souvent aussi spectaculaire que le sport masculin si nous nous y attardons sérieusement. Il s’agit de laisser la « chance à la coureuse » si elle le désire et d’inclure plus de femmes, amplement qualifiées, à titre d’entraineuse, d’arbitre ou de membre de la direction générale de certaines équipes.

Passer à l’histoire

Comme nous sommes au Québec, parlons de hockey. En 1992, toutes les jeunes filles enviant leurs frères qui jouaient dans les ligues mineures étaient rivées à leur écran pour voir Manon Rhéaume devenir la première femme à jouer une partie dans la Ligue nationale de hockey (LNH). En ce 23 septembre, l’Amérique du Nord la regardait offrir une performance louable devant les buts pour le Lightning de Tampa Bay dans un match préliminaire.

Il ne faut pas être naïf, cette partie aura été sa seule en carrière dans la LNH. L’équipe de la Floride en était une d’expansion et avait grandement besoin de publicité. Évidemment, il s’agissait d’un coup de marketing. Par la suite, la native de Lac-Beauport a gagné une médaille aux Jeux olympiques de Nagano en 1998 avec l’équipe féminine canadienne. Son parcours fut une inspiration pour toute une génération de filles et de femmes aspirant à atteindre l’excellence dans ce sport.

Derrière le banc : lentement mais surement

Depuis quelques années, en plus de voir certaines femmes arbitrer des parties dans diverses ligues professionnelles, un certain nombre sont maintenant nommées à titre d’entraineuses. En septembre 2012 dans le magazine américain Slate, l’auteur Mattheu J. X. Malody rapportait qu’il n’existait aucune femme siégeant comme coach dans une équipe professionnelle masculine aux États-Unis. Tout en mentionnant qu’il y en avait certaines au niveau collégial, il a soulevé qu’à l’époque, sur 122 équipes professionnelles, toutes ligues confondues (NHL, NBA, NFL, MLB…), aucune équipe n’avait encore fait appel à une femme pour diriger les joueurs. Pourtant, plusieurs se sont démarquées aux niveaux professionnel et olympique. Elles n’ont peut-être pas la même force physique, mais leur connaissance du sport est tout aussi développée.

Depuis, le portrait s’améliore, mais à pas de tortue. Par exemple, en 2018, dans la National Basketball League (NBA), certaines femmes ont obtenu divers postes auprès de quelques équipes. Mais c’est en février 2019 que la joueuse évoluant dans la Women National Basketball League (WNBA), Kristi Toliver devenait la première femme à occuper le rôle de coach adjointe auprès des Wizards de Washington, comme l’explique Howard Megdal dans un article du New York Times.

Il est également possible de constater des histoires similaires au football, au soccer et dans plusieurs autres sports américains. Heureusement, le phénomène se répète alors que le 23 novembre dernier, plusieurs médias sportifs rapportaient que les Black Hawks de Chicago (LNH) avaient embauché Kendall Coyne Schofield. Celle qui a été plusieurs fois championne olympique au sein de l’équipe nationale de hockey féminin occupera le poste de coach attitrée au développement des joueurs, une première pour cette équipe.

Le stigma social

Publiée sur un site officiel du gouvernement américain, une étude intitulée Working With Male Athletes : The Experiences of U.S. Female Head Coaches amène certains éclaircissements et conclusions expliquant la faible représentation féminine. Elle soulève notamment que les femmes interviewées provenaient d’un milieu sportif et avaient vécu une expérience positive avec un coach masculin. En revanche, elles ressentaient tout de même que des hommes dans le milieu sportif contestaient leurs compétences. L’enquête concluait qu’il fallait d’abord s’attarder au stigma social qui existe face à la place des femmes comme entraineuse avant de voir une évolution significative.

Cette « norme sociale » qui veut que les entraineurs soient des hommes s’étend aussi au sport féminin. En effet, dans un texte de Jean-François Chabot publié sur Radio-Canada Sport en 2018, on rapporte qu’au Canada, seulement 20 % des coachs sont des entraineuses. « Leur présence aux Jeux olympiques, à la tête d’équipes ou comme responsables d’athlètes individuels, est en baisse. Leur nombre est passé de 20 à 16 % entre les Jeux d’été de Londres en 2012 et ceux de Rio de Janeiro en 2016 », explique l’auteur.

Le Boy’s Club

Dans la même publication, l’ancienne joueuse olympique de hockey et entraineuse adjointe pour les Carabins de l’Université de Montréal, Mélanie Daoust, maintient qu’il n’y a pas de différence entre un homme ou une femme qui entraine. « J’ai connu les deux situations. J’ai été dirigée par des hommes et par des femmes. L’approche ne dépend pas du sexe. C’est davantage une question de personnalité, dit-elle. Tu peux avoir des hommes très humains, pour qui la personne sera plus importante que la joueuse de hockey. D’autres, au contraire, hommes ou femmes, sont vraiment intenses. Ce qui compte pour eux, c’est la performance », explique-t-elle. « Le coaching au féminin n’a pas beaucoup de sources d’inspiration qui se sont rendues à un haut niveau. Il y a définitivement un boys’ club. On le voit au niveau universitaire canadien, ici au Québec, parce qu’il n’y a qu’une seule femme entraineuse-chef », conclut-elle.

Que ce soit dans la reconnaissance de la valeur du sport féminin, dans l’inclusion de certaines femmes qui sentent qu’elles pourraient atteindre un plus haut niveau d’excellence en jouant dans des équipes masculines ou encore dans les équipes d’entrainement, la société évolue lentement, mais surement. Les craques sont de plus en plus nombreuses dans le plafond de verre.


Crédit Photo @ Sports Illustrated

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