Mar. Avr 16th, 2024

Par Francis Patenaude

Depuis son entrée en fonction en janvier 2017, le président américain Donald Trump multiplie les décisions unilatérales en matière de politique étrangère, causant ainsi rupture avec des années d’efforts diplomatiques américains dans plusieurs régions du monde. Toutefois, l’exécution spectaculaire du général iranien Qassem Soleimani, le 3 janvier dernier, marque un moment important dans l’évolution de l’attitude du président sur la scène internationale.

Un contexte politique américain tendu

Avec moins d’un an à faire avant l’élection présidentielle de 2020 et en raison de la procédure de destitution à l’égard du président Trump, le contexte politique américain est marqué, ces dernières semaines, par une vive agitation. Face à ce contexte tendu qui remet en question la légitimité de la présidence, certains pourraient croire que Donald Trump aurait avantage à faire preuve de prudence dans sa prise de décisions.

Déjà bien connu pour sa rhétorique violente et colérique à l’égard de certains dirigeants étrangers, l’utilisation du sobriquet Rocket Man pour désigner le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un en étant d’ailleurs un exemple marquant, le président américain semble dorénavant vouloir passer de la parole aux actes.

En effet, l’exécution de Soleimani, perpétrée en plein jour, tout près de l’aéroport international de Bagdad, semble confirmer que le président n’entend pas adopter une attitude plus raisonnable. Alors que depuis l’entrée en fonction du président Trump, la relation entre les États-Unis et l’Iran est loin d’être cordiale, cette agression semble vouloir confirmer que les choses ne sont pas près de s’améliorer.

Quand l’Oncle Sam frappe

C’est donc vers midi, le 3 janvier, que les Américains ont mis en action leur plan ayant pour objectif d’attaquer certains officiers militaires étrangers qualifiés de dangereux pour l’intégrité des citoyens américains autour du globe. Le général Qassem Soleimani, considéré par plusieurs comme étant l’un des hommes les plus puissants et influents de l’État iranien, était alors la cible prioritaire.

L’attaque américaine, perpétrée en plein cœur du territoire irakien et tout près de l’aéroport le plus achalandé du pays, a donc été réalisée à l’aide d’un drone qui a lancé plusieurs missiles en direction des voitures abritant le général et d’autres personnels militaires.

En plus du général, ce sont ainsi neuf autres individus qui ont perdu la vie dans l’attaque, l’un d’entre eux étant d’ailleurs Abu Mahdi al-Muhandis, connu comme étant le chef d’une organisation paramilitaire irakienne et qualifié de terroriste par les Américains. Âgé de 63 ans, Soleimani était quant à lui un militaire de carrière respecté et bien connu en Iran. Celui-ci était notamment responsable des opérations militaires iraniennes menées à l’étranger, une fonction clé dans l’appareil gouvernemental iranien qui est réputé pour ses volontés d’influence politique au Moyen-Orient.

La population iranienne en colère

Du côté iranien, la nouvelle de l’assassinat du général a immédiatement créé une vague de colère à l’égard des Américains. D’ailleurs, des images rendues disponibles par le groupe médiatique Reuters, filmées au sein même du parlement iranien quelques jours après l’attaque, montrent des dizaines de parlementaires scandant vivement Mort à l’Amérique.

Promettant une dure riposte militaire pour venger cet acte d’ingérence, le leader iranien Ali Khamenei est passé de la parole aux actes, cinq jours après l’assassinat de Soleimani, en envoyant plusieurs missiles sur deux bases américaines en Irak. Même si, dans un effort de propagande médiatique, Khamenei a avancé que l’attaque avait occasionné la mort de militaires américains, on sait maintenant qu’aucune victime n’est déplorée par l’armée américaine.

Une décision qui ne fait pas l’unanimité à Washington

Alors que durant les premiers jours suivant les faits, le président Trump et ses officiels affirmaient avoir agis pour empêcher la réalisation d’une attaque imminente à l’égard de ressortissants américains, les véritables motifs derrière l’exécution restent à ce jour incertains. À cet égard, le président a d’ailleurs affirmé sur Twitter que l’existence d’une menace imminente importait peu, puisque les actions passées du général Soleimani suffisaient à motiver son élimination.

Devant la gravité de la situation et la possibilité d’une escalade violente de celle-ci, plusieurs membres du Congrès américain se sont rapidement déclarés choqués par le manque de transparence et l’absence de consultation de la part du président. En effet, plusieurs d’entre eux avancent que le président aurait dû consulter le congrès, en vertu de la Loi sur les pouvoirs de guerre, avant de mettre en branle une telle attaque. Entrée en fonction en 1973, cette loi fédérale a notamment pour objectif d’assurer la participation du congrès dans les processus décisionnels qui pourraient occasionner l’entrée en guerre du pays.

Pour manifester leur mécontentement, les membres de la Chambre des représentants ont d’ailleurs adopté une résolution, plutôt symbolique, demandant au président d’obtenir l’approbation du congrès pour poursuivre toutes actions en territoire iranien. D’ailleurs, les membres du Sénat ont eux aussi affirmé vouloir faire passer une résolution similaire, une tâche toutefois plus laborieuse en raison de la majorité républicaine au Sénat.

Le vol Ukrainian Airlines 752 : Une tragédie couteuse pour la crédibilité iranienne

Alors que l’assassinat du général Soleimani s’est traduit par un contexte social, politique et militaire potentiellement explosif en Iran, il semblait difficile, dans les jours suivants son exécution, d’imaginer des circonstances pouvant amplifier l’allure instable de la situation. Or, l’écrasement en sol iranien d’un appareil de la compagnie d’aviation Ukrainian Airlines, le 8 janvier, est venu exacerber l’indignation de la communauté internationale. Transportant à son bord 176 personnes, le vol Ukrainian Airlines 752 s’est écrasé peu de temps après son décollage de Téhéran, occasionnant la mort de l’ensemble des passagers, dont plus de 60 citoyens canadiens.

Rapidement après l’accident, les autorités gouvernementales iraniennes ont indiqué publiquement n’avoir joué aucun rôle dans la tragédie. Or, en raison du contexte sécuritaire tendu depuis l’attaque américaine, certains acteurs étrangers ont rapidement émis des doutes quant aux plaidoyers d’innocence de l’Iran. Finalement, quelques jours après l’écrasement, les forces armées iraniennes ont reconnu avoir accidentellement abattu l’avion commercial en le confondant avec un missile. Furieux, des milliers d’Iraniens ont pris la rue pour manifester contre le manque de transparence total des autorités politiques.

Alors que près du tiers des victimes de l’écrasement était de nationalité canadienne, le premier ministre Justin Trudeau s’est d’ailleurs empressé de déplorer publiquement la tournure des évènements, en plus d’affirmer l’intention du Canada de faire partie du processus d’enquête entourant l’écrasement.


Crédit Photo @ TVA Nouvelles

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