Jeu. Avr 18th, 2024

Par Judith Doré Morin

La Chaire de recherche Droit, religion et laïcité de l’Université de Sherbrooke a récemment reçu une importante subvention de la part du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Ce montant permettra d’effectuer une recherche à l’échelle de la province afin de déterminer quels sont les enjeux juridiques et sociaux inhérents aux espaces de prière dans les établissements collégiaux et universitaires.

Le rôle qu’occupe la religion au sein de la structure universitaire va désormais au-delà de la formation d’agents et d’agentes pastorales et d’un corps professoral religieux. Le Centre d’études du religieux contemporain, qui s’est substitué à la Faculté de théologie et d’études religieuses en 2015, prône notamment la compréhension et l’analyse du phénomène religieux à partir d’un croisement de perspectives disciplinaires. Tandis que l’identité religieuse du Québec contemporain est plurielle, il devient essentiel d’employer des outils provenant de disciplines telles que la politique et la sociologie afin d’intervenir face à la diversité culturelle de la population.

La recherche dans un contexte de laïcité

Exonération fiscale pour les membres de communautés religieuses, zonage des lieux de culte dans les municipalités et port de symboles religieux constituent des enjeux de laïcité qui intègrent de plus en plus l’actualité ainsi que les débats publics. Cependant, bien que ces problématiques forment l’objet de nombreuses discussions, celles-ci tendent à être peu documentées. Il apparaît de ce fait pertinent de former des individus prêts à intervenir dans une province multiconfessionnelle et d’étudier concrètement les enjeux qu’implique la laïcisation de l’État.

David Koussens, professeur agrégé de la Faculté de droit et titulaire de la Chaire de recherche Droit, religion et laïcité, illustre les lacunes de la littérature scientifique concernant la laïcité avec la polémique entourant l’article 10 de la Loi sur la neutralité religieuse. Cet article oblige les individus offrant ou recevant un service dans certains organismes d’avoir le visage découvert. Par exemple, les femmes musulmanes portant le voile intégral devraient découvrir leur visage lorsqu’elles utilisent le transport en commun. Toutefois, comme le souligne le professeur, personne ne semble savoir si le port du voile intégral dans les autobus nuit réellement au vivre-ensemble et nécessite la mise en place de politiques restrictives.

La Chaire de recherche Droit, religion et laïcité, démarrée en 2012 et venant tout juste de se voir accorder un mandat supplémentaire de cinq ans, œuvre donc afin de décloisonner les enjeux de la laïcité. D’une part, ses recherches visent à déterminer quels nouveaux groupes sociaux s’insèrent dans les débats concernant la laïcité et à comprendre le vocabulaire que portent ces acteurs. D’une autre part, ses travaux s’orientent sur les lieux de la laïcité pour identifier si des problèmes ou des tensions liés à la religion existent dans les institutions publiques. En dressant un portrait de la situation vécue dans ces milieux, il devient possible de formuler des recommandations visant à assurer la pérennité d’un vivre-ensemble dans un cadre laïque.  

Un projet d’envergure

La récente subvention octroyée par le gouvernement à la chaire dirigée par David Koussens souligne l’expertise développée par ses membres dans la gestion de la diversité religieuse. Le montant permettra au titulaire de la Chaire, ainsi qu’au chercheur postdoctoral de la Faculté de droit Bertrand Lavoie et au professeur Frédéric Dejean de sciences religieuses de l’Université du Québec à Montréal d’effectuer une recherche intitulée Les espaces destinés aux prières dans les établissements d’enseignement supérieur : enjeux juridiques et sociaux.

Dans un premier temps, les chercheurs souhaitent comprendre la façon dont les établissements d’enseignement supérieur québécois régulent la diversité religieuse et tentent d’identifier des tensions liées aux accommodements raisonnables persistant dans ces milieux. Pour ce faire, plus de 110 entrevues seront réalisées dans un échantillon composé de dix institutions collégiales et sept universités situées autant dans les métropoles québécoises qu’en régions éloignées. Il s’agit donc d’un diagnostic social effectué dans l’optique d’identifier les impacts des politiques mises en place dans ces établissements pour accommoder l’identité multiconfessionnelle de leur communauté.

Dans un deuxième temps, le projet mené par la Chaire vise à émettre des recommandations destinées aux gestionnaires des établissements d’enseignement supérieur de la province afin de soutenir leur action dans la diversité religieuse. En d’autres termes, les chercheurs désirent pouvoir améliorer les pratiques de gestion de la diversité religieuse dans ces institutions, notamment dans celles où les demandes d’accommodement raisonnable peuvent générer des tensions.  

La religion dans la société contemporaine

Depuis une dizaine d’années, les débats sur la laïcité et les accommodements raisonnables plongent la population québécoise dans une remise en question de leur rapport à la foi. Le concept même de la laïcité évolue au sein de l’État alors que de nouveaux acteurs, tels que les groupes féministes et les groupes LGBTQ, se joignent aux discussions en les imprégnant des valeurs qu’ils portent. De plus, la compréhension de l’identité religieuse des communautés est requise pour saisir les nombreux phénomènes complexes qui les transforment, qu’il s’agisse d’enjeux de nature politique, économique, sociale ou géographique.

Au Québec, malgré le déclin de l’Église catholique, la religion occupe toujours une place influente dans l’espace public. De nouvelles formes de croyances émergent. Mais, des idées préconçues peuvent également freiner les interactions entre les individus de fois différentes. Il apparaît donc pertinent de poursuivre la formation et les recherches portant sur l’aspect multiconfessionnel de la société contemporaine. Ainsi, tandis que diverses cultures s’ancrent dans la province et entrent en interaction, la place des sciences religieuses dans les universités demeure incontestable.

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