Jeu. Mar 28th, 2024

Par Séré Beauchesne Lévesque

Le passage du Cégep de Sherbrooke à l’Université de Sherbrooke est synonyme d’un déclassement pour les personnes transgenres (trans), qui se retrouvent à se battre pour des droits qui leur étaient acquis. En effet, contrairement à ce qui prévaut au Cégep de Sherbrooke et dans plusieurs universités au Québec, aucune mesure d’égalité n’est en place à l’Université de Sherbrooke pour faciliter le parcours des personnes dont le genre ne correspond pas au sexe qui leur a été assigné à la naissance.

Pour se faire désigner par son prénom usuel, c’est-à-dire celui auquel elle s’identifie et qu’elle a choisi, une personne trans qui n’a pas encore obtenu de changement de nom légal doit faire de nombreux coming out auprès de ses collègues et du personnel enseignant. Son ancien nom lui collera à la peau tant et aussi longtemps que les démarches légales, qui engendrent des délais minimums de cinq mois et des frais entre 170 $ et 600 $, n’auront pas abouti.

Grâce aux revendications des activistes trans de l’Association étudiante du Cégep de Sherbrooke, la direction de l’établissement a compris que l’utilisation forcée d’un prénom qui ne correspond pas à son identité de genre cause des souffrances psychologiques évitables. C’est pourquoi elle s’est jointe aux directions d’autres cégeps pour demander à Skytech, le fournisseur du logiciel Omnivox, de permettre l’ajout d’un prénom usuel distinct du prénom légal. Cela permet de traiter le prénom légal comme une information confidentielle qui n’apparaît que sur les documents officiels : relevés de note, diplômes et relevés d’impôt. Autrement, par exemple sur la carte étudiante et les listes de classe, c’est le prénom usuel qui est utilisé. Ce changement est en vigueur depuis la rentrée et permet à des centaines de personnes trans au Québec d’entrer au cégep avec un poids de moins sur les épaules. Des dispositions semblables sont aussi prévues dans les systèmes informatiques des universités McGill et Concordia. À l’UdeS, impossible pour une personne trans d’obtenir ne serait-ce qu’une adresse courriel contenant son prénom usuel : tout changement doit être motivé par un certificat de changement de nom officiel délivré par le directeur de l’État civil.

Au-delà de la bureaucratie, plusieurs parcelles de la vie quotidienne que les personnes non trans tiennent pour acquises, par exemple accéder à une toilette publique sans craindre violence et harcèlement, demeurent inquiétantes pour plusieurs personnes trans. Alors qu’une quarantaine de toilettes individuelles non genrées existent sur le campus du Cégep de Sherbrooke et qu’elles sont répertoriées dans l’agenda étudiant ainsi que sur le web, les personnes trans qui espèrent trouver la même chose à l’UdeS en sont réduites à déambuler au hasard en espérant trouver un cabinet non genré à temps.

Tous ces obstacles institutionnels viennent s’ajouter à la transphobie latente d’une population universitaire très peu éduquée sur les enjeux trans, qui se manifeste par exemple lors des initiations, lorsque l’on invite encore des jeunes hommes à porter des robes en guise d’accoutrement ridicule, comme si l’expression féminine par des personnes présumées masculines était intrinsèquement grotesque.

 


Crédit photo © Séré Beauchesne Lévesque

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4 thoughts on “L’UdeS en retard sur les droits des personnes trans”
  1. Salut, ce commentaire viens d’un homme blanc hétérosexuel donc à toi de voir si tu y accorde de l’importance ( on vie quand même dans une société binaire hétéro-normative ).
    Je répond puisque une partie du texte touche les initiations dont une partie que j’ai organisé avec des collègues et amis. Dans nos initiations nous invitions les participants à ce costumer en membre de la royauté Disney de sorte que les personnes participant à l’événement puisse ce costume à l’image du personnage de son choix. Du à la haute popularité du film Frozen et de la grande population masculine du programme, il y avait beaucoup d’homme (je parle du sexe à la naissance et non du genre qu’ils se considèrent) avec des robes. Malgré cela je m’excuse si cela t’a vexé, mais dans un contexte d’initiation les précisions sociales peuvent être moins présente et plus facile à une personne trans de s’exprimé sans être tourné au ridicule. Sur ce je encore drole les gens qui refuse clairement de se conformer aux genres établis par la nature, mais nous force à se conformer à ses dérivations du genre.

    With love,
    Un membre actif pour la promotion et légalité des genres à Québec :p

    1. J’ai moi-même participé à l’initiation et je me suis déguisé en princesse, mais la pratique ne m’a pas offensé. J’aurais refusé de participé si on avait dit « les filles se déguisent en ceci, les hommes en cela », mais puisque l’invitation disait juste de se déguiser en prince ou en princesse comme bon nous semble, je n’y ai pas vu de mal.

      En espérant que le gouvernement actuel prenne vraiment la décision d’ajouter le genre “autre” aux passeports, pièces d’identités et autres documents officiels. Ça forcerait les écoles et compagnies à faire une refonte de leurs systèmes.

      Merci pour l’article!
      Jacque Goupil, étudiant agenre.

    2. Perso, je sais pas ce qui est pire: inviter des hommes à se déguiser en princesses, ou bien que sur une thématique donnée ils décident eux-mêmes de porter ce genre de costume. Rappelons-nous que c’est un costume (lire ici déguisement, pas des vêtements de la vie de tout les jours), et que le contexte d’initiation, au contraire, engendre plus de pressions sociales en général qu’il n’en abolit. C’est justement le fait qu’un homme qui porte une robe soit vu comme un costume drôle qui est terrible pour la réalité des femmes trans. Pour cette personne qui peut ressembler à un homme et qui désire peut-être porter une robe dans la vie de tout les jours, c’est terriblement insultant et malaisant, ces costumes.

      Dire que le contexte d’initiations peut rendre plus facile à une personne trans de s’exprimer sans être tournée au ridicule, c’est être à côté de la track. C’est le contraire.

      Et les propos essentialistes comme ”se conformer aux genres établis par la nature”, on peut s’en passer. Si tu veux vraiment passer par la nature, ben la nature fait que certaines personnes naient avec un corps qui ne correspond pas aux attentes de la société (et ça c’est un fait, les personnes trans ne décident pas d’être comme ça), et que c’est la société qui force ensuite la note sur comment cette personne devrait se conformer au genre qu’on lui ASSIGNE.
      Et le fait que tu trouves ça ”drôle” et justement un excellent exemple de transphobie latente.

      Sur le dernier point, je ne vois vraiment pas de quoi tu veux parler par dérivations du genre, si tu veux parler du fait qu’il n’y a que deux genres, et bien plus que 2 genres existent dans des dizaines de sociétés depuis au moins des centenaires, c’est très moderne (et obtus) comme vision du genre d’affirmer qu’il n’y en a que deux. On vous force peut-être à reconnaître notre existence, mais c’est parce qu’elle est tue par la société en premier lieu. On récupère nos vies, c’est tout.

      Mais tout ceci ne porte que sur un point très précis de l’article, n’oublions pas le reste, qui indique qu’il y a encore bien du chemin à faire, même si les initiations étaient un endroit safe pour les personnes trans (ce qui n’est pas le cas)

      1. Je suis d’accord sur le fait qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire au niveau des droits des trans. Cependant, restons réalistes. Si je me souviens bien, il y a autour de 52 nuances de genres présentement cataloguées. Là-dessus, seulement 2 sont assignés à la naissance. On ne peut pas forcer plus de 40 000 étudiants à respecter les 1001 principes pour ne pas se faire accuser de transphobie. Est-ce que c’est la responsabilité de la société de s’adapter à tous et chacun ou à ceux qui se considèrent hors des “attentes” (pardonnez-moi, je n’arrive pas à trouver le mot pour cela) de s’adapter à la société? La cause utopique se fera pour but le premier des deux.

        Vous me considérez probablement jusqu’ici comme étant transphobe. Peut-être le suis-je, mais peut-être pas. Si l’un de mes amis venait me dire qu’il aimait porter des robes (un exemple, bien sûr), le choc serait immense. Pourquoi? Parce que ce n’est pas noir ou blanc, comme la société le veut. Peut-être aussi que cette personne ne change pas pour autant et qu’elle reste la même personne que je peux avoir connu pendant des années. Peut-être aussi aurais-je besoin de cela pour comprendre que je suis une personne imparfaite et que j’ai besoin de voir la société d’un autre oeil.

        En attendant, je ne considère pas le fait que le monde puisse se déguiser en prince/princesse/autochtone/personne d’une autre nationalité soit dégradant, sauf si la personne se déguise expressément pour insulter la dite population dépictée. Dans le cas des initiations présentement discutées, ce ne l’était clairement pas.

        Si le chapeau te fait, mets-le. Sinon, je pense qu’il est temps de passer à autre chose.

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