Mar. Avr 16th, 2024

Par Hélène Bughin

Le 28 octobre dernier débutaient les classes de maître du Bureau estrien de l’audiovisuel et du multimédia (BEAM), rencontres inédites avec des personnes professionnelles du 7e art, en collaboration avec La Maison du Cinéma. Prévues jusqu’en décembre, ces conférences mettent en relation la théorie et la pratique avec des personnes aussi compétentes que passionnées. Lors de cette première conférence, c’est René Roberge, monteur du film Pauline Julien, intime et politique qui s’est adressé au public. L’invité a su conjuguer parcours marquant, techniques de montage et l’enjeu du documentaire d’archives. 

Habitué du milieu, celui qui cumule vingt ans d’expérience a d’abord terminé des études en sociologie et en anthropologie avant de se consacrer au cinéma. Il a été attiré par la création un peu par la force des choses. Travaillant sur un projet avec des amis, il s’est vu naturellement attribuer le rôle de monteur.

Dès 1995, il se consacre au montage de documentaires d’auteurs, œuvrant avec Nadine Beaudet (Le chant des étoiles), Isabelle Lavigne (La nuit, elles dansent) ou Lucie Lambert (Précis du quotidien). Il a notamment été en nomination pour le film Miron, un homme revenu d’en dehors du monde de Simon Beaulieu. Familier avec les questions d’identité québécoise, de mémoire et de réel, il a présenté sa dernière réalisation en misant sur l’importance de l’archive.

Récolter les morceaux du passé

 Documentaire biographique réalisé par Pascale Ferland, Pauline Julien, intime et politique revient sur l’histoire d’amour de la comédienne et chanteuse Pauline Julien. Celle qui a été la compagne et complice de Gérald Godin, ancien député du Parti québécois, a eu une vie emblématique de l’effervescence des années 70 et son art trouve son importance encore aujourd’hui.

En majorité composé d’archives, entre vidéos et photos, le film a été monté par René Roberge, en étroite collaboration avec Pascale Ferland. Partant d’un peu plus de 900 pièces de médias, ils ont réussi à tisser une histoire politique, amoureuse et personnelle tout en finesse. L’œuvre a su capturer l’imaginaire par le récit qu’elle livre d’un Québec traversé par une crise, mais plein d’espoirs : l’art du montage a réussi à traduire cette dualité.

Recréer une histoire

René Roberge a choisi ce film pour parler de la démarche d’un monteur qui se retrouve devant des éléments aussi bruts, mais vrais. Il explique qu’ils ne sont pas partis de scénario précis, quand ils ont entamé les démarches. La réalisatrice, Pascale, lui a plutôt laissé le soin de trier le fond d’archives, d’en soutirer ce qu’il trouvait saisissant.

Le conférencier, expliquant son processus artistique, rappelle comment les éléments d’archives viennent par eux-mêmes recréer l’histoire à raconter. Lui qui aime ce que la réalité offre dans son état brut souligne que pour lui, si le métier de monteur sert à produire des films, « je monte le réel quand je travaille comme ça ». Une part de fiction est nécessaire, certes, mais l’invité du BEAM met l’accent sur cette opportunité artistique de capturer quelque chose de vrai, de réel.

Tisser une réalité complexe

Pour le monteur expérimenté, l’important était de montrer toutes les facettes d’une personne tout aussi complexe. À une question d’une personne dans l’auditorium, soulignant le montage recréant l’amalgame entre la relation amoureuse et la situation politique du Québec, Roberge répond : « j’ai trouvé un rapport, dans les images. Le lien s’est fait tout seul ».

D’une Pauline Julien dansant sur la scène du référendum à une errant sur le quai d’un métro, narrant une lettre à son défunt amant, une vérité complexe se forme et fait la force du film, mentionne-t-il. C’est le montage qui permet cette suite logique, agaçant les deux dans une continuité cohérente. René Roberge finit sa présentation en revenant sur cette importance de partir du réel, de laisser le matériel nous inspirer.

L’importance de s’inspirer

La classe de maître sur le montage s’est terminée sur une période de questions, où le public a pu autant adresser les éléments filmiques que la démarche du monteur. Une belle conversation s’est déroulée autour des intentions des artisans du film et du résultat final. René Roberge a pu aller en détail dans son processus, démontrant davantage l’importance de ce métier peut-être sous-estimé au cinéma. Parce qu’en effet, comme l’a souligné une personne dans l’assistance, les extraits vidéos ne sont pas tournés, dirigés ou prévus, mais leur sens est bien à refaire. Les participants et participantes ont été charmés par l’expérience et ont remercié le conférencier pour son temps.

Si vous souhaitez assister aux classes de maître à venir, le 25 novembre prochain aura lieu la rencontre avec Emmanuelle Laroche, avec qui vous pourrez découvrir le métier de comédienne. Elle a choisi pour l’occasion le film dramatique Machenster by the sea de Kenneth Lonergan comme favori. Sinon, rendez-vous le 9 décembre prochain pour une rencontre inédite avec Louka Boutin, directeur de photographie qui a pour sa part choisi Blue Valentine de Derek Cianfrance comme coup de cœur à visionner. Ces classes de maître se déroulent à La Maison Du Cinéma et sont une initiative du BEAM. Vous pouvez retrouver toutes les informations sur sa page Facebook. Des discussions enlevantes et enrichissantes sont à prévoir!


Crédit photo @ Le BEAM

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