Ven. Mar 29th, 2024

Par Abdennour Edjekouane

Visiblement, Orelsan aime beaucoup le Québec. De passage régulièrement dans la province depuis quelques années, le rappeur est en tête de file des artistes européens francophones à la conquête du Nouveau Monde. Récipiendaire de trois Victoires de la musique en 2018 (équivalent des Grammy Awards en France), pour artiste masculin de l’année, album urbain pour La fête est finie et un autre trophée pour le vidéo-clip Basique, il reçoit un quatrième Victoire pour sa tournée actuelle La fête est finie, en 2019. Le Collectif a eu la chance de discuter quelques minutes avec Orelsan, en marge de son spectacle présenté au Théâtre Granada à Sherbrooke le 17 mai prochain.

Un lien intime avec le Québec

L’artiste ne s’en cache pas, il est content de son retour dans la province. De passage l’automne passé au Métropolis de Montréal ainsi qu’à l’Impérial Bell à Québec, ces dates affichées complètes ont donné envie à l’artiste d’en rajouter deux autres en ce mois de mai : « Franchement, l’ambiance était vraiment mortelle », se plaît-il à dire. Orelsan semble aussi agréablement surpris du nombre de Québécois qui se déplacent de plus en plus à ses spectacles « il y avait beaucoup de Français à la première date à Montréal, mais à la deuxième représentation et à Québec, c’était majoritairement des Québécois. Je suis content, ça montre qu’on commence à être plus connus ici ». En effet, ce n’est pas la première fois qu’Orelsan, Aurélien Cotentin de son vrai nom, se produit chez nous. En 2012, il avait déjà participé aux Francofolies en compagnie de Koriass et était revenu l’année suivante dans le cadre du festival Montréal en Lumière. « J’aime le Québec, j’aime revenir, c’est une culture que je ne connais pas beaucoup. » Orelsan semble apprécier également les artistes d’ici, notamment Koriass, avec qui il a travaillé : « À l’époque, on travaillait déjà sur un remix de la chanson No life avec Koriass. Mais malheureusement, ça n’a pas abouti. » Mais aujourd’hui, Orelsan est encore ouvert à l’idée d’une collaboration avec des artistes québécois « Karim Ouellet, j’aime beaucoup ce qu’il fait. Il y a Loud aussi, qui commence à tourner de plus en plus ici (en France) ». Si l’artiste se considère un peu vieux pour participer au mouvement du hip-hop au Québec, il ne voit pas d’inconvénient à s’installer dans le paysage musical québécois, à travailler avec les artistes d’ici et à utiliser des expressions locales.  

Une fête qui ne finit plus

Orelsan vieillit, mais au-delà de ça, l’artiste est nostalgique de son époque dorée; on a parfois alors l’impression qu’il chante sur une époque qui ne lui appartient plus, ce thème est porté par son dernier album, La fête est finie. Comme il l’explique bien dans la chanson Quand est-ce que ça s’arrête « Mais si tu savais comment je m’ennuie maintenant (…) quand je vois mes potes, je sais plus quoi raconter, je vais plus en soirée car j’ai peur de craquer ». Les effets du temps sur le corps, la mélancolie au quotidien, la peur d’être normal, autant de thèmes exploités dans le dernier opus du rappeur. En évoquant Basique, titre phare de l’album, Orelsan parle d’une envie de revenir à l’essentiel « J’ai écrit l’album durant la période des élections (présidentielles en France 2016-2017, ndlr), et dans cette ère du commentaire, ou chacun argumente sur des arguments, j’ai senti le besoin de ramener les trucs un peu à la base, mettre au clair des choses, d’où l’envie de lancer des vérités comme ça. » L’album recèle également de nombreuses collaborations, notamment avec Stromae, Damso et YBN Cordae; si le mélange des styles peut être surprenant, ces collaborations donnent naissance à des morceaux harmonieux et accrocheurs comme Rêve bizarre réalisé avec Damso et La pluie avec Stromae : « c’est des artistes avec qui j’ai déjà travaillé; Stromae, je lui avais envoyé un bout du morceau Tout va bien, la soirée même, il l’avait travaillé et m’a renvoyé un truc parfait. (…) pareil pour Damso, je lui envoie le morceau et juste après il me renvoie son couplet que je trouvais incroyable. »

Des débuts en prompt

La fête est finie est le troisième album d’Orelsan, sorti en 2017 et vendu à plus de 600 000 exemplaires, il s’était écoulé à 96 000 copies en sept jours, faisant de lui le meilleur démarrage de l’année 2017. Le succès d’Orelsan démarre vraiment à la suite de son premier album Perdu d’Avance, paru en 2009 et certifié disque d’or; on y découvrait un rappeur s’éloignant des clichés habituels. Des lignes saignantes, mais toujours humoristiques et dérisoires, une voix juvénile et attachante, des mélodies accrocheuses : le chanteur a su tout de suite imposer son style et son univers. L’artiste, quant à lui, apparaît vite comme le modèle de l’homme qui réussit à s’extirper de son quotidien redondant et ennuyeux pour vivre de sa passion. Artiste multidisciplinaire, Orelsan est également acteur et réalisateur. Il a aussi l’habitude de réaliser ses propres clips, comme Défaite de famille et Dis-moi, paru récemment le 9 mai 2019. « C’est bien d’avoir la possibilité de faire les deux. Des fois, j’écris des trucs incroyables visuellement, mais je me demande ensuite si ça sert vraiment le texte. Pour moi, un bon clip, c’est un clip qui sert avant tout le propos. »

Une évolution notable

Si on remarque une certaine évolution de sa plume, notamment dans son dernier album, qui renferme des notes d’optimisme, on y trouvait, dans ses premiers textes sombres et désenchantés, un homme perdu, emprisonné de son quotidien acerbe. Il déclarait déjà dans Changement, un de ses premiers titres : « Plus j’avance, plus je grandis, plus je ne comprends rien. » Cette phrase résume le personnage d’Orelsan à l’époque, un jeune homme insouciant, qui faisait du rap sans se préoccuper de la pression et des attentes du public. Plus tard, Orel s’est rendu compte que la vie de star n’était pas tout à fait taillée pour lui. Il perdait de sa personnalité, de ce qui a fait d’Orel… Orelsan. Ce qui donna matière à son second album, Le chant des sirènes, sorti en 2011, où il déclarait dans le titre éponyme : « Mes ex-fans déçus, cherchent le Orelsan du début, mais même moi je crois, je l’ai perdu. » On note alors des prémices de son plus récent album; au-delà de faire du Orelsan, l’artiste souhaite avant tout innover.  

Orelsan se produira au théâtre Granada à Sherbrooke le 17 mai prochain à 20 h, ainsi qu’au festival Santa Teresa le 18 mai.


Crédit Photo @ Jean Counet

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