Mer. Avr 17th, 2024

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Par Charles-Rafaël Payeur – Chercheur-doctorant à la FATER

L’annonce récente de la fermeture de la Faculté de théologie et d’études religieuses de l’Université de Sherbrooke (FATER) coïncide avec un moment de l’histoire où la pertinence de la théologie comme science et comme réflexion critique sur le religieux contemporain n’a peut-être jamais été aussi grande. Les événements terroristes tragiques des dernières semaines, en France comme ailleurs, trouvent sans doute en partie leurs racines dans une quête de sens qui n’arrive pas à se frayer un chemin dans les dédales d’un monde où une logique implacable de production et de consommation a transformé bon nombre de nos concitoyens en de simples laissés-pour-compte. Lorsque l’ignorance s’ajoute au manque de sens et à l’exclusion, il n’est pas étonnant que des formes de radicalisation et de fanatisme religieux apparaissent.

 La FATER propose des programmes d’études qui ouvrent notamment la voie à une quête de sens, sagement guidée par une approche scientifique des fondements du religieux et par le développement d’un bon esprit critique en cette matière. Ses activités de recherche peuvent, entre autres, contribuer à lutter contre l’intégrisme et les dérives sectaires. Les chercheurs et les étudiants formés par la FATER peuvent aussi contribuer, plus globalement, à la tâche colossale qui consiste à mieux comprendre l’univers complexe du religieux, très lié depuis toujours à la nature humaine, tout en apportant des éléments de réflexion et des outils utiles à la nécessaire gestion politique de cette réalité présente au coeur même de nos sociétés contemporaines, qu’on le veuille ou non.

Qui proposerait aujourd’hui la fermeture de la Faculté de médecine ? Cela paraitrait absurde à la plupart d’entre nous. Si la santé du corps est une préoccupation fondamentale et légitime, comment peut-on, dans l’état actuel de notre monde, ne pas songer à sa santé spirituelle ? La FATER s’y intéresse, d’un point de vue théologique et pluridisciplinaire. Pour ce faire, elle fait appel à la rigueur intellectuelle de la science et à une approche non confessionnelle. Il ne s’agit pas ici de promouvoir une religion ou une autre, ni même de promouvoir une sensibilité particulière, mais d’explorer ce qui peut permettre de développer une approche éclairée en ce domaine.

Si la pertinence de la Faculté de théologie et d’études religieuses de l’Université de Sherbrooke peut être facilement démontrée, reste la question incontournable de son financement. Sans tout sacrifier à l’autel de la sacro-sainte rationalisation budgétaire, il est difficile de faire fi, à une époque comme la nôtre, des couts relatifs au maintien d’une telle institution. Mais la situation financière de la FATER est-elle désespérée au point où sa fermeture doit se faire dans la précipitation, sans consultation des principaux intéressés (professeurs, étudiants et chercheurs) et dans un total mépris de l’esprit universitaire, un esprit de débat et de réflexion critique auquel toute université devrait être viscéralement attachée, ne serait-ce que par principe ?

Ne pourrait-on pas accorder minimalement à la FATER le droit de mourir dans la dignité, sans l’euthanasier discrètement, alors que sa famille est tenue dans l’ignorance de son véritable état de santé ? Ne pourrait-on pas lui accorder un sursis qui permettrait aux personnes concernées (ses administrateurs, ses professeurs, mais aussi ses étudiants et ses chercheurs, tous responsables de sa vivacité et de son rayonnement) d’étudier la situation sur des bases concrètes et d’explorer de manière rationnelle et créative les différentes voies qui se présentent à elles ?

Si l’avenir de la FATER passe par une nécessaire réorganisation administrative ou par la mise en place d’un Centre de recherche interdisciplinaire, ce que semble privilégier la direction de l’Université de Sherbrooke sans pour autant nous préciser ce que pourraient être les modalités de cette « nouvelle vie », pourquoi ne pas en débattre plus largement et solliciter l’éclairage de ceux qui peuvent contribuer efficacement à l’élaboration d’un projet viable et fédérateur, qu’il s’agisse des « Pères fondateurs » de cette institution facultaire, détenteurs d’une expertise certaine dans le domaine, ou de ceux qui en sont aujourd’hui les principaux acteurs ? Je pense ici à ce mot de Paul Morand dans « L’homme pressé » : « Le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui ».

Ne pas consulter ceux qui sont concernés au premier plan par une décision aussi importante est toujours contre-productif, plus encore sans doute lorsqu’il s’agit d’une institution universitaire. Espérons que les administrateurs de l’Université de Sherbrooke, qui ont une grande responsabilité face à la communauté scientifique et à la société tout entière, sauront agir dans ce dossier avec prudence et sagesse, compte tenu de la gravité du geste qu’ils s’apprêtent à poser, ce que nous pouvons raisonnablement attendre de la part de ceux qui ont la lourde tâche de diriger une université digne de ce nom.

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