Jeu. Mar 28th, 2024

culture - credit sugar sammyEn décembre 2014, un artiste s’apprête à performer sur les planches du centre culturel de l’Université de Sherbrooke. C’est la panique générale : un homme vient d’appeler pour menacer le clown libéral. Le clown, c’est l’humoriste Sugar Sammy.

Par Lotfi Belgherbi

Les menaces se font de plus en plus nombreuses, les actes de violence deviennent de plus en plus réels. Jusqu’à quel point un humoriste peut aller au-delà des limites de la liberté d’expression? Parce que, apparemment, il y a une limite. Charlie Hebdo. Le film The Interview. Il semble que ça n’arrête plus.

Vouloir atteindre des personnes qui œuvrent pour nous faire rire…vraiment? Faut-il les considérer comme des dangers pour notre société? Pourquoi pas. Ça a du sens lorsqu’on écoute l’avis de certaines personnes qui donnent leurs opinions à la radio sur des lignes ouvertes. Bien que les humoristes devraient avoir le droit de s’exprimer, il y a des limites à laisser monsieur ou madame Toulemonde raconter n’importe quoi sur les heures de grandes écoutes…c’est dangereux et très paradoxal, vous ne trouvez pas?

Si les humoristes marchent actuellement sur des œufs, les auditeurs, quant à eux, devraient se tenir droits. À partir du moment qu’ils utilisent le mot race pour parler d’un étranger et qu’ils critiquent le spectacle controversé qu’ils n’ont même pas vu, ils ne devraient pas avoir le droit de parler à la radio.

Depuis quand un humoriste qui fait de l’humour politique est pris au sérieux autant, sinon plus qu’un politicien? Plusieurs passent leur carrière politique à proférer des stupidités sans problème, mais quelqu’un qui raconte des blagues au second degré, ça dérangerait? Sachant qu’il faut payer, en plus, pour assister au spectacle d’un humoriste, ça élimine plusieurs raisons d’être exposé au matériel d’un artiste non aimé. Parce que, bien sûr, nous avons le droit de ne pas être favorables à tout ce qu’un humoriste fait, c’est tout à fait légitime. Le problème, c’est que pour pouvoir déterminer ce qui est bon ou mauvais dans l’humour, il nous faut du choix, donc une liberté d’expression tolérant tous les propos.

Pourquoi ne pas tout simplement laisser une liberté d’expression totale et donner au public le choix de voir l’humoriste qu’il veut en spectacle? Si, en tant que consommateurs, vous êtes outrés par les propos d’un humoriste, vous avez la possibilité d’arrêter de suivre cet artiste.

Maintenant, que va-t-il rester si la censure devient de plus en plus forte, et qu’à chaque gag écrit, qu’à chaque dessin, qu’à chaque scène controversée, un humoriste doit se demander s’il va recevoir des menaces de mort? Si l’humour politique, la critique sociale, et même les blagues en dessous de la ceinture sont critiqués et rejetés, il ne restera plus grand-chose pour rire. C’est bien beau faire des blagues sur la météo et sur le prix de l’essence qui monte, mais ce n’est pas ce qu’il y a de plus drôle, et malheureusement, c’est ce qui risque de rester à force de vouloir tout bannir. S’il fallait qu’un humoriste fasse toujours l’unanimité, il n’aurait aucun défi et ses blagues seraient stéréotypées. Peut-être que c’est ce que souhaitent certains : un humour uniformisé. Ainsi, l’amuseur sera assuré de convenir à tout le monde : aux personnes âgées qui vivent en région, aux jeunes qui vivent en ville, aux femmes voilées, aux anglophones de Montréal, etc.

Dire que cette version des faits est pessimiste serait vrai, tout comme dire que cette personne qui a menacé Sugar Sammy est un cas isolé et que les tueurs du drame au Charlie Hebdo courent les rues. Seulement, en réalité, les cas sont nombreux, et les artistes sont de plus en plus victimes de leur art. Il est regrettable que l’humour international soit touché par la censure à cause de personnes extrémistes, et que cette censure atteigne la liberté d’expression, une valeur qui devrait être chère à tous.

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