Jeu. Avr 25th, 2024

Par Alexandre Dumas-Gingras et Laurence Poulin

Le jeudi 9 février, le professeur et codirecteur de l’Observatoire sur la radicalisation et l’extrémisme violent, David Morin, conviait les étudiants et les curieux à un débat autour du documentaire T’es où, Youssef?, qui suscite beaucoup l’attention depuis le début de la semaine. Pour l’occasion, l’Université de Sherbrooke recevait le réalisateur Gabriel Allard-Gagnon, le porteur de la quête Raed Hammoud ainsi que Mathieu Paiement, le producteur délégué du film.

Retour sur le documentaire

T’es où, Youssef? est un documentaire percutant qui tombe à point au Québec. Il s’agit d’un documentaire qui tente de démystifier certains stéréotypes à l’égard de la radicalisation. C’est un processus complexe qui comprend plusieurs facteurs, et qui pose une question cruciale : mais, que peut bien-t-il se passer pour qu’un jeune homme comme Youssef s’enrôle auprès d’une organisation à visée terroriste comme Daech?

Ce qui est frappant à la suite du visionnement de ce film, c’est que l’enjeu est abordé avec une grande humanité. On tente d’expliquer tout le processus psychologique, le climat politique ainsi que les facteurs socioculturels qui peuvent pousser un jeune à se radicaliser, ou dans ce cas-ci, faire le jihad. Mis en valeur par une réalisation très moderne et dynamique, Raed Hammoud, le protagoniste du film, contacte la famille, les amis ainsi que les différentes institutions qu’a fréquentés Youssef. On passe donc par l’Université de Sherbrooke, par l’Association des Musulmans de l’Université de Sherbrooke (AMUS), ainsi que les différentes mosquées qu’a fréquentées Youssef et ses amis qui l’accompagnent à travers ses années, soit Samir et Zakria. Plusieurs témoignages sont par ailleurs très touchants, particulièrement la sœur de Youssef, qui retrace ses années à Sherbrooke avec lui, et qui fait face à l’incompréhension devant l’enrôlement de son frère auprès de l’organisation terroriste qu’est Daech.

Un dialogue émotif et ouvert entre le panel et le public

Le professeur David Morin, expert en sécurité nationale et sur la radicalisation et l’extrémisme violent, a ouvert la discussion en présentant les trois panélistes ayant mené à ce film suivi d’un extrait du documentaire, ayant été présenté lundi dernier sur les ondes de Télé-Québec. Il a inévitablement été impossible de faire fi de la mention des nombreux attentats des dernières semaines et des dernières années ayant pris un énorme espace médiatique. M. Morin insiste sur le fait que ce documentaire l’a beaucoup touché puisqu’il s’agit d’un processus qui ouvre des pistes sur ce qu’on pourrait faire pour diminuer cette tendance liée à l’extrémisme violent.

Le producteur, Mathieu Paiement, a fait part du nombre d’intervenants qui ont pris part à ce projet, sans qui, ça n’aurait pas été réalisable. Il a aussi souligné l’ouverture aux autres lui ayant été notamment possible grâce aux cours du professeur de l’UdeS Sami Aoun (expert sur les questions du Moyen-Orient) qu’il a suivis lors de son passage à l’UQAM. Par ailleurs, Paiement a mentionné qu’un « racisme latent » est bien présent au Québec.

Est ensuite intervenu le réalisateur Gabriel Allard-Gagnon. Celui-ci s’est décrit comme un vrai « queb », n’ayant avant le début de cette aventure, pas de connaissance réelle sur la situation de la Syrie, de l’État islamique, ni même de la radicalisation. Selon lui, cela lui a permis d’avoir un œil nouveau sur la question, mais aussi de déconstruire des idées préconçues qu’il avait. Il s’agit pour lui de sa plus grande réalisation, et ce fut possible grâce notamment aux rencontres qu’il a pu faire au travers de ce processus.

C’est en dernier que le porteur de la quête, Raed Hammoud a pris la parole en se présentant. Ce Libanais d’origine, né au Niger, est atterrit au Québec l’âge de 10 ans, pour quitter suite à la crise du verglas, pour finalement y revenir à l’âge de 16 ans. Il a expliqué dans quel contexte il a connu Youssef et l’incompréhension qu’il a eu vis-à-vis son départ et son virage vers l’extrémisme religieux.

Les ratés médiatiques ont été au coeur des discussions entre le panel et le public. En effet, le président de l’AMUS en poste lors du départ des trois hommes a pris la parole afin de dénoncer le traitement que l’association avait eu par certains journalistes. Poussés par le temps et la volonté d’exclusivité, certains médias ont tenté de trouver des réponses en faisant des amalgames fautifs entre cette association comme cellule de radicalisation. Cela a causé énormément de tort aux membres. À cela, l’équipe de T’es où Youssef? a répondu qu’elle « avait eu la chance » d’avoir un an et pas une journée pour démystifier et creuser plus loin pour trouver de possibles réponses à ce problème infiniment complexe.

Ce documentaire, de par sa démarche rigoureuse et de par sa quête, fait tomber des barrières ou certaines idées préconçues. Tout en nuance, l’œuvre de ces Québécois fait réfléchir. Tout comme T’es où Youssef?, la discussion offerte au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke est un pas vers le dialogue nécessaire entre tous ceux qui font partie de la société québécoise actuelle.


Crédit photo © Laurence Poulin

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