Ven. Mai 17th, 2024

Par Alexandre Leclerc

Le réalisateur Rian Johnson (Star Wars : The Last Jedi, Looper) a la réputation d’écrire des scénarios à la fois originaux et divertissants. Son nouveau projet ne fait pas exception à la règle. Délaissant la science-fiction le temps d’un film (il est pressenti pour écrire une nouvelle trilogie originale de Star Wars), Johnson nous arrive avec Knives Out (À couteaux tirés, en français), une enquête en quasi huis clos sur le meurtre du patriarche d’une famille riche. Si le concept n’a rien de révolutionnaire (ni même l’intrigue, par ailleurs), on se retrouve devant un film hautement satisfaisant et prenant.

Un whodunit bien réussi

L’histoire suit la famille Thrombey, dont le plus vieux membre, Harlan (Christopher Plummer) célèbre son 85e anniversaire. Au lendemain des festivités (auxquelles tous les membres de sa famille étaient présents), Harlan est retrouvé sans vie dans son bureau, la gorge tranchée. Si le tout peut ressembler à un suicide, l’enquêteur Benoit Blanc (Daniel Craig, dans une solide performance) est mystérieusement engagé pour enquêter sur la mort du patriarche. Il passe ainsi en revue les témoignages des principaux suspects, soit les membres de sa famille ainsi que l’infirmière qui s’occupait d’Harlan, Marta Cabrera (Ana de Armas, somptueuse).

On croit alors que le récit va suivre cette enquête un peu à la manière du Crime de l’Orient-Express (le livre, puisque le film est à oublier), mais pas du tout. Puisqu’en fait, après environ 20 minutes, nous apprenons qui a tué Harlan et de quelle façon (nous tairons le nom du coupable, tout de même). Le film met plutôt l’accent sur ce coupable et ses tentatives pour brouiller les traces du meurtre aux yeux de l’enquêteur et de son équipe. C’est un point de vue intéressant qui, sans réinventer le whodunit (littéralement « qui l’a fait », bien que l’expression soit surtout utilisée en anglais), rehausse l’originalité du film.

En fait, le film fonctionne puisqu’il ne se prend pas trop au sérieux. Knives Out allie très bien le suspense et l’humour, tombant dans plusieurs clichés du genre sans nuire à la crédibilité du récit. Prévisible, mais avec quelques éléments de surprise, on observe se dérouler l’enquête et ses embrouilles comme un plaisir coupable. On sent que tous et toutes ont des motifs raisonnables d’avoir commis le meurtre, malgré le fait que l’on connaisse le coupable dès le début. On demeure donc en constant questionnement sur qui a finalement commis le meurtre. Les vrais mordus de whodunit arriveront probablement au dénouement avant la fin, mais le véritable plaisir est de voir comment l’inspecteur Blanc arrive à ses conclusions.

Une distribution charismatique, mais sous-utilisée

On saluait avant même la sortie du film sa distribution toute étoile, composée de Chris Evans, Daniel Craig, Jamie Lee Curtis, Michael Shannon, Don Johnson, Toni Collette, Ana de Armas, Christopher Plummer, Katherine Langford et Lakeith Stanfield. Si tous et toutes ont droit à un bon temps d’écran, Ana de Armas sort particulièrement du lot. Surtout connue pour son rôle dans Blade Runner 2049 (elle a été coupée au montage du film Yesterday), elle offre une solide performance et vole littéralement la vedette aux actrices et acteurs plus réputés du film. L’importance de son rôle s’avère une surprise, et parions qu’on la verra davantage dans des films d’envergure au cours des prochaines années (elle fait partie de la distribution du prochain James Bond, aux côtés de Daniel Craig, une fois de plus).

Michael Shannon brille également dans le rôle de Walt, le fils inquiet d’Harlan. Shannon est probablement l’un des acteurs les plus sous-estimés d’Hollywood, et il démontre ses talents encore une fois, malgré son rôle de second ordre. Soulignons enfin l’excellent travail de Daniel Craig, qui incarne à perfection un Hercule Poirot intelligent, mais niais. Son accent très prononcé et l’impression générale d’être dépassé par les événements qu’il dégage rendent sa performance très charismatique. La scène finale, toute à son honneur, est également savoureuse.

Le principal reproche qu’on peut porter à cette distribution est le fait qu’on n’exploite pas à bon escient le talent de celle-ci. Les acteurs sont pour la plupart relégués en arrière-fond, et l’on approfondit que peu chaque personnage. Leur dynamique de groupe est toutefois excellente. Un dernier mot pour parler de Chris Evans, dont la performance est sans éclat. Sa performance n’est pas désastreuse, mais elle est assez fade comparativement à celle des autres acteurs et actrices. Le ton arrogant qu’il adopte fonctionne à demi, ce qui est dommage, considérant l’importance de son personnage dans la deuxième moitié du film.

Très divertissant, mais loin d’un chef-d’œuvre

Si le film a plusieurs qualités, sa principale est probablement d’être un récit original. Original au niveau créatif, mais surtout original dû au fait que ce ne soit pas un scénario adapté. Ces scénarios sont de plus en plus rares au cinéma de nos jours, surtout pour ce qui est d’un whodunit, qui sont pour la plupart adaptés de romans. En ce sens, Johnson démontre une fois de plus la qualité de ses scénarios, reconnue depuis longtemps déjà. Il est à parier qu’il sera en nomination aux prochains Oscars. Des nominations pourraient survenir au niveau des décors et des costumes, également.

Toutefois, le film n’est pas époustouflant. On n’y ressent pas de véritable tension, et l’on n’éprouve pas vraiment d’empathie envers les personnages. Les surprises que Knives Out nous réserve, bien que sympathiques, ne sont pas ahurissantes. On sort du visionnement en ayant passé un bon moment, et avec le sentiment d’avoir rentabilisé le billet de cinéma, sans toutefois en garder un souvenir marquant. Nous sommes d’avis que ce film ne passera pas à l’histoire, malgré toutes les qualités qu’on peut lui attribuer.


Crédit Photo @ Lionsgate

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