Jeu. Mai 16th, 2024

Par Véronik Lamoureux

Trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, impulsivité et trouble de l’opposition (TDAH/IO) : si le TDAH était une pizza, ce serait une all-dressed avec les petits bacon bits ajoutés sur le dessus pour se gâter. Elles sont plusieurs à recevoir ce diagnostic à l’âge de 30 ans après s’être précipitées chez le médecin, complètement épuisées et au bord de l’hystérie. Elles qui pensaient rentrer chez elles avec une prescription de prise de sang afin que l’on découvre la maladie rare dont elles sont atteintes, elles repartent plutôt avec une pile épaisse de questionnaires et de grilles contenant une tonne d’affirmations blessantes à faire coter par leur famille : « Tiens des propos inappropriés », « Contrarie souvent les autres délibérément ». Un peu, beaucoup, passionnément ou à la FOLIE ?

Elles veulent être scientifiques. Ou peut-être humoristes. Avoir une maison. Et des enfants… à temps partiel ? Mais voyager dans une Westfalia tout en ayant un gros salaire. Être directrices générales de roulottes ? Ou encore astronautes… ! Zappeuses professionnelles et agréées, leur activité mentale ressemble à une évacuation surprise dans un centre commercial un 24 décembre. Quand la cohérence est aussi rare dans sa vie qu’un choix santé chez PFK, comment utiliser son plein potentiel ?

Mais qui sont donc ces femmes TDAH dont on ne parle que trop peu ?

C’est précisément ce que Sari Solden (psychothérapeute) et Michelle Frank (psychologue) essaient d’élucider dans le tout premier livre consacré aux femmes atteintes de TDAH Le TDAH au féminin : célébrez vos forces et dépassez vos limites. « Historiquement, le TDAH décrivait le comportement ingérable des garçons hyperactifs. […] De fait, les femmes atteintes de TDAH vivaient comme des réfugiées. […] Trop différentes pour être mesurées à l’aune de la société, mais pas assez pour qu’une explication neurologique puisse les soulager, les femmes atteintes de TDAH ont dû attribuer leur différence à leurs pires craintes. Rejetées et incomprises, beaucoup ont intériorisé les critiques les plus sévères. »

Si le nom du trouble laisse d’abord entendre un trouble de l’attention, les auteures préfèrent le catégoriser plutôt comme un trouble profond de l’estime de soi. Hors du cadre de la normalité, les femmes diagnostiquées en viennent à croire qu’elles ne font pas partie du « type apprécié » par la société et souffrent inévitablement de cet état des faits.

Le mythe de l’écureuil

Quand on parle de TDAH, l’association la plus fréquemment entendue met en scène un rongeur affectueusement nommé « écureuil » en Amérique du Nord et une incapacité accrue à se concentrer en sa présence. Or, sous cette « amusante » théorie qui ne représente en réalité que la pointe de l’iceberg se cache une myriade de réalités inconnues de la plupart des gens : « Le TDAH n’est pas nécessairement un déficit de l’attention à proprement parler, mais plutôt un problème de régulation de divers aspects de la cognition, des émotions et du comportement. ». Le « moulin à parole », la « folle », l’« hystérique », la « malaisante » ou le « lapin Energizer » dans votre entourage est sans doute l’une de ces femmes souffrant de ces réalités.

Demander à une femme atteinte de TDAH de se gérer, c’est un peu comme demander à un patient atteint de diabète de prendre en main son pancréas une bonne fois pour toutes ! Ça ne fait pas de sens, mais comme il s’agit de neurotransmetteurs, les gens pensent à tort qu’il est plus facile de « se forcer un peu » et d’entrer dans un cadre prédéfini.

La création d’un faux soi

« Un mécanisme d’adaptation trop répandu s’offre ainsi à celles qui ont une faible estime d’elles-mêmes : la construction d’un faux soi […] qui imite les neurotypiques et leur permet de passer pour “normales” ». Même si le mécanisme peut paraître une solution viable à première vue, Solden et Frank mettent les lecteurs en garde : ce genre de travestissement de sa personne comporte un prix émotionnel, et un gros : « Plutôt que de demander de l’aide, elles redoutent de voir apparaître l’inévitable fissure, la faille dans la façade qui exposera leur supercherie. » Douceur, diplomatie, bonne humeur, patience… toutes des qualités qui composent les attentes de la société envers le modèle féminin « normal » et auxquelles les femmes atteintes de TDAH ne peuvent s’identifier.

Marie Kondo, l’auteure du célèbre livre La magie du rangement, serait fière de notre société : depuis plusieurs décennies, on a commencé à apposer des étiquettes sur les gens afin de pouvoir ultimement les classer pour l’ordre public, car comme l’auteure le dit :

 « Comme les humains, les vêtements se détendent mieux en compagnie de congénères qui leur ressemblent. Par conséquent, en les classant par catégories, vous les aidez à se sentir plus à l’aise et en sécurité. »

Dans la citation précédente, le « les » représente les neurotypiques. Comment se classer pour aider les neurotypiques à se sentir plus à l’aise et en sécurité en notre présence ? Telle est la question ! Allez hop les femmes TDAH, dans le tiroir des choses qu’on ne sait pas trop comment plier : entre les cuissards de vélo, les draps contours et les kits de sado/maso avec un corset. Quoi qu’il en soit, le combat est le même pour tous les individus qui sortent de la norme : accepter d’être cette chaussette marginale qui pendouille à l’extérieur du tiroir ou même cette chaussette qui bloque le mécanisme et empêche le tiroir de fermer correctement.

Que vous fassiez partie de ces femmes atteintes d’un TDAH qui se retiennent à deux mains d’exister pleinement ou que vous soyez un proche qui pense que le TDAH c’est juste être dans la lune plus souvent que la moyenne, ce livre est un outil indispensable à votre vie. Comme c’est le cas pour nombre de sujets sociaux, la différence effraie et la peur pousse l’être humain à devenir parfois méprisant, castrant et intolérant. Le livre Le TDAH au féminin : célébrez vos forces et dépassez vos limites est un véritable hymne à la résilience pour toutes ces femmes qui ne savent pas par quel bout prendre leur « différence ».

Parce que tout comme les femmes en surplus de poids sont tannées de rentrer le ventre pour plaire à la masse, les femmes atteintes d’un TDAH sont tannées de retenir leur souffle pour être acceptées par les autres.

 

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Crédit Photo @ Prologue

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