Mer. Avr 24th, 2024

Par Yaomie Dupuis

Le 23 novembre au matin, la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, a fait l’annonce que l’épreuve uniforme de français au niveau collégial serait annulée. Sachant que ce test représente un grand morceau dans l’obtention du diplôme d’études collégiales, que peut-on soulever de cette décision prise par ce ministère québécois ?

Le système d’éducation au Québec se démarque par deux caractéristiques bien précises. Ici, nous avons misé d’abord sur l’accessibilité à l’éducation et avons instauré les collèges. Après l’obtention d’un diplôme d’études secondaires ou d’un équivalent, la personne étudiante a la possibilité de poursuivre au niveau collégial. Cette pratique ne s’applique nulle part ailleurs qu’ici au Québec. Ce palier d’enseignement ne fait pas partie du ministère de l’Éducation qui, lui, s’occupe principalement des écoles primaires et secondaires, administrées par le ministre Jean-François Roberge. Les collèges sont plutôt associés au ministère de l’Éducation supérieure, au même titre que les universités.

Lors d’un point de presse à la fin novembre, alors que l’incertitude de milliers d’étudiants collégiaux était à son comble, la ministre Danielle McCann fait une annonce qui en soulage plusieurs. En effet, l’épreuve uniforme de français, que certains aiment appeler l’EUF, a été annulée. Mais plus encore, après avoir discuté avec les membres de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), ceux-ci annoncent non seulement l’annulation de l’épreuve qui était prévue pour le 16 décembre 2020, mais l’EXEMPTION de cet examen qui est essentiel pour l’obtention du diplôme d’études collégiales. On peut lire sur leur page Facebook la publication suivante :

« La ministre de l’Enseignement supérieur, par le biais d’une correspondance aux établissements collégiaux, a annoncé l’exemption de l’Épreuve uniforme de français (ÉUF) pour toute personne finissante ou en voie de réussir son cours de Français 103 (601-103-MQ) durant la session d’automne 2020. Ainsi, en raison de la COVID-19, toute personne étudiante qui devait faire l’épreuve en décembre 2020 n’aura pas besoin de l’accomplir afin d’obtenir son diplôme d’études collégiales. »

Bien sûr, la nouvelle n’a pas tardé à susciter plusieurs réactions et la FECQ a précisé quelques modalités à la suite de plusieurs questionnements de la communauté étudiante. Les collégiens et collégiennes et les Cégeps critiquent le manque de rigueur au niveau de la transmission et de l’exactitude des informations envoyées dans les institutions :

« Sachez que les établissements n’ont, à l’heure actuelle, pas reçu la bonne information encore. Il est donc NORMAL que les personnes enseignantes soient confuses par rapport à la tenue de l’EUF […] Sachez que nous sommes D’AVANCE dans la transmission des informations. Laissez à vos établissements le temps de bien comprendre les indications et de recevoir les clarifications du ministère de l’Enseignement supérieur. »

Cette épreuve qui est obligatoire pour l’acquisition d’un DEC depuis le 1er janvier 1998 est, pour une première fois depuis 22 ans, levée pour tous. Un soupir de soulagement pour plusieurs, puisque cette évaluation ne peut être reprise que trois fois et doit être réussie avant le commencement des études universitaires à moins d’une entente avec le registraire des admissions.

Mon cheminement

Laissez-moi vous parler de mon parcours qui est franchement atypique. J’en suis présentement à ma deuxième année au baccalauréat à l’École de politique appliqué de l’UdeS. Et vous savez quoi ? Je n’ai toujours pas obtenu mon diplôme d’études collégiales en raison de la non-passation de l’EUF. Après près d’un an et demi d’Université, deux échecs auparavant et une pression qui s’est transformée en angoisse, je devais réaliser ma dernière tentative cet hiver le 16 décembre 2020. Sinon, je pouvais incessamment mettre un terme à mes études supérieures.

Ce n’est pas faute d’avoir essayé, j’ai réussi ma dissertation préparatoire à l’EUF (601-103-MQ). Parce que oui, bien évidemment, l’étudiant doit non seulement réussir l’examen du ministère, mais doit aussi réussir une dissertation préparatoire pour l’obtention du DEC. J’ai échoué ma première tentative à l’été 2019, juste avant d’entamer mes études supérieures, j’ai ensuite échoué ma deuxième tentative à la session d’automne 2019 et je devais réaliser ma troisième et dernière à l’hiver dernier, mais elle avait été suspendue à cause de la COVID-19. J’avais la possibilité de faire la reprise au début de l’été passé, mais je voulais attendre à la fin de cette session-ci puisque, pendant plusieurs mois, j’ai investi du temps et de l’argent pour une aide privée en français afin de pallier mes lacunes.

Bref, nul besoin de vous spécifier que j’ai plusieurs fois regretté d’avoir effectué des études collégiales, puisque si j’avais accédé à l’université sous les conditions d’une adulte n’ayant pas de DEC, j’aurais eu à faire le Test institutionnel de français (TIF) ou des cours de français ajoutés à mon horaire. Aujourd’hui, l’annonce de la ministre me donne espoir que je pourrai continuer d’étudier dans un domaine qui me passionne plus de jour en jour.

À voir les commentaires sous la publication de la FECQ, je me suis dit que je ne suis pas la seule à être coincée dans une situation plus qu’anxiogène. Ne vous méprenez pas, je n’affirme pas que l’EUF n’a pas lieu d’être, une connaissance minimale de notre belle langue française est essentielle. Mais un rafraîchissement de la méthode d’évaluation serait un atout pour notre système d’éducation qui se dit accessible pour tous.

Il y a une nette différence entre les réalités d’aujourd’hui et d’il y a 22 ans. Sommes-nous un système d’éducation réellement accessible, si, au final, la passation d’un test définit l’accessibilité aux études universitaires ? Certes, je n’ai pas une connaissance parfaite du français, mais j’ai appris ce qu’est l’échec, la volonté, la persévérance et la rigueur qui peuvent émaner d’une personne lorsqu’elle a des objectifs précis à atteindre. Non, ce n’est pas mesurable par une cotation, mais je crois que c’est tout autant des valeurs importantes à inculquer à nos générations futures et à valoriser.


Crédit Photo @ Simon RD

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